Le billet du trimestre
Statues, auxiliaires de la mémoire
Nos rues, nous l'avons déjà souligné ici, sont un condensé d'histoire. Par leurs noms, leurs édifices, les plaques commémoratives dont le nombre ne cesse d'augmenter, elles ravivent le souvenir du passé. Les statues qui ornent places et boulevards y contribuent aussi, pour peu qu'on prenne la peine de s'en approcher pour les observer de plus près, de chercher des détails significatifs ou les inscriptions gravées sur leurs socles. Notre arrondissement ne manque pas de ces rappels des grandes heures de notre récit national.
Au carrefour de l'Odéon, à l'emplacement de sa maison disparue lors du percement du boulevard Saint-Germain, et par la magie du ciseau du sculpteur Auguste Paris, Georges-Jacques Danton semble encore appeler à la levée en masse pour défendre la patrie en danger. À quelques encâblures vers l'ouest, Denis Diderot, légèrement penché en avant sur son fauteuil de bronze, la plume à la main, un sourire ironique aux lèvres, paraît faire aux passants la réclame de la dernière édition de l'Encyclopédie. Sur les quais, comme perdu au centre de la discrète place aménagée entre l'hôtel de la Monnaie et le palais de l'Institut, Nicolas de Condorcet, livre et chapeau sous le bras, jette un regard un peu sévère sur les passants qui l'ignorent. À l'autre extrémité de l'arrondissement, place de l'Observatoire, on dirait que le maréchal Michel Ney, sabre fièrement levé, s'apprête à donner l'assaut à Elchingen ou à Eylau, tandis que Dreyfus, place Pierre-Lafue, de son épée brisée présente les armes. Non loin de là, à l'angle des boulevards Raspail et du Montparnasse, Honoré de Balzac n'en finit pas de se draper dans sa robe de chambre en bronze, que lui a confectionné Auguste Rodin pour l'éternité. Place Saint-Sulpice les imposantes silhouettes des quatre « point cardinaux », Bossuet, Fénelon, Massillon et Fléchier, se dressent avec majesté au-dessus des jeux d'eau de la fontaine à laquelle on a donné leur nom. Et n'oublions pas la plus modeste représentation de François Mauriac, place Alphonse-Deville, la souriante statue de Voltaire et le plus discret buste de Montesquieu, tous deux dans le charmant et méconnu petit square Honoré-Champion, au début de la rue de Seine, ni évidemment les innombrables statues qui ornent le jardin du Luxembourg.
En bref
L'assemblée générale annuelle de la société se tiendra le jeudi 12 mars 2020, à 17 heures, et sera comme à l'accoutumée suivie de la conférence mensuelle à 18 heures. Nous espérons vous y retrouver nombreux. Que ceux qui ne pourraient y participer veuillent bien envoyer leur pouvoir !
Vous pouvez consulter en ligne les sommaires de tous les Bulletin. Les numéros du Bulletin parus entre 1898 et 1938, ainsi que les comptes rendus des réunions tenues entre 1950 et 1973 ont été numérisés et peuvent être mis à disposition des sociétaires.
À l'intention exclusive de nos sociétaires, Christian Chevalier a réalisé un remarquable Plan Topographique historique du 6e arrondissement, en couleur et grand format. En superposant plusieurs plans d’époques différentes, il y représente les monuments et bâtiments notables : les actuels, ceux qui ont été démolis avant 1830, et ceux qui l’ont été après. La Société a décidé d'ouvrir une souscription pour en financer les tirages au prix unitaire de 35 €. Pour garantir ce coût, les tirages seront effectués par tranches de 20, en fonction des demandes. Une information accompagnée d’un bulletin de souscription vous sera très bientôt envoyée.
Notre société il y a cent ans
Les raisons qui n'avaient pas permis la reprise des réunions mensuelles à l'automne 1919 n'ayant pas disparu avec le passage à la nouvelle année, aucune réunion mensuelle ne s'est tenue au cours du 1er trimestre 1920. Rappelons qu'il s'agit pour l'essentiel des difficultés d'éclairage et de chauffage des locaux. Les « temps meilleurs » auxquels avaient renvoyé le président lors de l'assemblée générale de décembre 1919 (cf. notre dernier numéro) n'étaient de toute évidence pas pressés d'arriver ...
Notre arrondissement, il y a ….
trois cent cinquante ans … Le 16 février 1670 sont célébrées à Saint-Sulpice les obsèques de Honorat de Bueil, seigneur de Racan. Il mène de front une carrière militaire et littéraire. Il entre en 1634 à l'Académie française, où il inaugure le 30ème fauteuil aujourd'hui occupé par Danièle Sallenave. Dans son œuvre on retiendra ses Mémoires sur la vie de Malherbe, qui fut son ami. Il eut quatre enfants, trois garçons et une fille ; de cette dernière descend Jean d'Ormesson.
cent cinquante ans … Le 13 janvier 1870, après le décès prématuré de Louis-James-Alfred Lefébure-Wely, Charles Widor se voit confier, à l’âge de vingt-six ans, les claviers de l'orgue Cavaillé-Coll de Saint-Sulpice. Bien qu'ayant officié à cette fonction pendant soixante-quatre ans, il n'en sera pour autant jamais nommé titulaire. Il démissionnera le 31 décembre 1933, à l'âge de quatre-vingt-dix ans, au profit de son assistant et ancien élève Marcel Dupré, qui connaîtra une célébrité comparable à celle de son maître.
cent cinquante ans encore … Le 25 février 1870 est créée au théâtre de l'Odéon une pièce de George Sand, L'Autre, comédie en quatre actes et un prologue. Le rôle d'Hélène est tenu par la jeune Sarah Bernhardt, qui y avait fait ses début l'année précédente dans une pièce de François Coppée (voir Gazette n° 19). On le sait peu, George Sand a beaucoup écrit pour le théâtre, soit une trentaine de pièces dont vingt-cinq ont été représentées de son vivant. Il faut bien reconnaître qu'aucune n'est passée à la postérité.
cent ans … Le 5 février 1920, le maréchal Ferdinand Foch est reçu à l'Académie française, où il avait été élu à l'unanimité le 21 novembre 1918. Il y est accueilli par Raymond Poincaré, président de la République pendant la Grande Guerre. Il occupe le 18ème fauteuil, celui de Tocqueville et de Lacordaire, et, après lui, du maréchal Pétain puis d'Edgar Faure. Il retrouve sous la Coupole le maréchal Joseph Joffre, qui l'y avait précédé de quelques mois et occupait le 35ème fauteuil où prendra place une dizaine d'années plus tard le général Weygand. L'Académie accueillait alors volontiers les chefs militaires qu’elle voulait honorer.