La Gazette - N° 21 - 2019- 4e trim
Le billet du trimestre
50 nuances d’histoire
L’histoire est omniprésente dans nos vies, nos pensées, nos lectures. Mais de quelle histoire s’agit-il ? Il en existe une infinité de formes. Esquissons un examen rapide de ces nuances.
L’histoire fondée sur la critique des documents et la chronologie, qui s’attache à raconter des faits, grandes fresques ou micro-histoire. Il en existe une variété infinie. On trouve aussi l’histoire globale de l’école des Annales avec Fernand Braudel ; la « nouvelle histoire » influencée par les sciences sociales, laisse plus de place à l’interprétation… leur diversité y est également nombreuse autour de thèmes de plus en plus émiettés. L’histoire pour le grand public de Castelot, Decaux... On peut aussi parler de l’histoire au service d’une idéologie ou de la politique, jusqu’à l’histoire dévoyée de la propagande, et évoquer le ministère de l’Amour dont parle Georges Orwell dans 1984.
Et puis il y a l’histoire comme source d’inspiration pour le romancier ou l’homme de lettres, fortement présente quand elle s’appuie sur des documents, des histoires érudites et professionnelles, mais aussi des romans historiques plus libres jusqu’à ne devenir qu’une toile de fond (La Chartreuse de Parme) ou un prétexte (Les Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas). Là encore, tous les genres de romans sont présents, jusqu’aux romans policiers comme les enquêtes de Nicolas Le Floch de Jean-François Parot et les romans de science-fiction qui nous racontent l’histoire à venir. Il ne faut pas oublier la poésie, l’épopée comme L’Iliade et l’Odyssée d’Homère, le théâtre classique qui prend ses exemples dans l’histoire antique ou celui de Shakespeare dont une grande partie de l’œuvre, propagande contre la France, se fonde sur la Guerre de cent, et enfin toutes les sortes d’autobiographies et écrits du for privé : journaux intimes, mémoires des hommes publics, notes et verbatim… dont les exemples sont innombrables.
L’histoire est au cœur de nos écrits.
En bref
Notre bulletin annuel prend des couleurs !
Vous l'aurez noté, le bulletin n° 31 que vous avez reçu au début de l'été s'est enrichi d'un « cahier couleur », qui a permis de rendre pleine justice à la qualité des œuvres du peintre Lucien Simon, auquel a été consacrée la conférence du mois de juin 2018. Nous pensons réitérer cette formule onéreuse lorsque la nature des reproductions que nous envisagerons de publier le justifiera.
Une contribution capitale à la redécouverte de notre patrimoine disparu
Christian Chevalier, membre du CA, vient de réaliser pour nous un travail de titan, la Topographie historique du 6e arrondissement. Pour ce faire il a superposé plusieurs plans anciens sur un plan actuel, après les avoir ramenés à la même échelle et fait apparaître dans des couleurs différentes les édifices publics et religieux actuels et disparus. On peut ainsi mesurer avec un degré de précision inégalé l'évolution de nos quartiers au cours des siècles.
Ce travail mérite d'être connu. Aussi envisageons-nous d'en faire un tirage limité qui sera réservé à nos membres. Nous vous tiendrons informés le moment venu.
Suggestion de lecture
Jean-Pierre Duquesne, membre du CA, a récemment publié son deuxième livre intitulé Au cœur du bourg Saint-Germain, dix épisodes de l'histoire de France. S'appuyant principalement sur des témoignages et documents d'époque, il retrace dix épisodes de notre histoire à partir de ce qui reste aujourd'hui de leur décor. Cette approche originale permet d'imaginer in situ ces épisodes pour la plupart bien connus.
Notre société il y a cent ans
Contrairement à ce que s'étaient promis les sociétaires avant de se séparer à la fin du printemps, les réunions mensuelles tenues en soirée n'ont pas repris à l'automne. Seuls se tinrent le jeudi 18 décembre 1919 une séance du conseil d'administration, puis dans la foulée l'assemblée générale annuelle. Au conseil le secrétaire général Charles Saunier en impute la cause aux difficultés d'éclairage et de chauffage et propose, pour les mêmes raisons, de reculer jusqu'en mars leur reprise, ce qui est entériné. À l'assemblée générale le président Léo Mouton tient le même discours et, plus évasif, propose, en raison des difficultés de l'heure présente, de remettre les réunions « à des temps meilleurs ».
Le secrétaire général fait également part à l'assemblée de sa réflexion sur le devenir des sociétés historiques de Paris, toutes durement touchées par la disparition de nombre de leurs membres les plus actifs et la désaffection de beaucoup d'autres après les épreuves de la guerre. Il donne la parole au secrétaire général de la Société La Cité (3e, 4e, 11e et 12e arrondissements), M. Lesprit, qui propose, au moins à titre temporaire, une fusion des sociétés historiques de la rive gauche et, pour la préparer, la réunion d'un congrès de ces sociétés. L'assemblée se montre intéressée et confie au bureau le soin de suivre la question.
Notre arrondissement, il y a ….
… trois cents ans …. Le 25 septembre 1719 disparaissait à l'âge de cinquante-quatre ans, Michel Félibien, moine bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, attaché à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Historien de Paris, il en écrivit les grandes heures et en dressa un plan. Son travail fut repris et complété par son disciple Guy-Alexis Lobineau (1667-1727), également moine bénédictin de la congrégation de Saint-Maur. Leurs noms furent donnés le 12 novembre 1817 à deux des rues qui entourent le Marché Saint-Germain.
… deux cents ans … Le 16 mars 1819 à 6 heures du matin mourait à son domicile 10 rue de Varenne Nicolas Séjan, organiste de Saint-Sulpice et de plusieurs autres églises parisiennes. C'était un vrai enfant du bourg Saint-Germain où il naquit le 17 mars 1745 au domicile de ses parents rue des Cordeliers (notre rue de l'École-de-Médecine). Il suivit les cours du collège d'Harcourt (notre lycée Saint-Louis) et, contrairement au projet de son père, marchand de vins, de le voir prendre sa suite, il suivit les conseils de son oncle Nicolas Forqueray, organiste à Saint-Merri, étudia la musique et se forma à la pratique de l'orgue. Très jeune il obtint la titulature de l'orgue de Saint-André-des-Arts, puis joua aussi à Saint-Sulpice. Il habitait alors rue de l'Éperon. La Révolution interrompit cette carrière prestigieuse, mais il reprit son poste d'organiste de Saint-Sulpice une fois le calme revenu. De ses six enfants, le second, Louis, lui succéda comme titulaire de l’orgue de Saint-Sulpice, et la dernière, Amélie, épousa Jacques-Georges Cousineau, harpiste, luthier et éditeur de musique établi rue Dauphine.
… cent cinquante ans …. Le 13 octobre 1869 mourait à son domicile 11 rue du Montparnasse Charles-Augustin Sainte-Beuve. Il y avait emménagé en 1850. Il a appartenu à deux des grandes institutions du 6e arrondissement, l’Académie française, où il fut élu en 1844, et le Sénat, où il fut nommé en 1865, Un autre lien moins connu avec notre arrondissement : ses études de médecine, qu'il commence en 1823, son diplôme de bachelier ès-lettres en poche. Mais le démon de la littérature le rattrapa bientôt et il abandonna la Faculté de médecine en 1827.
Le 30 août 1884 un arrêté municipal donna son nom à la petite rue percée trois ans plutôt entre la rue Notre-Dame-des-Champs et le boulevard Raspail.
… cent ans …. Le 27 octobre 1919 mourait à son domicile 149 boulevard Saint-Germain, Laurent Prache. Natif du département de la Somme en 1856, il choisit la carrière politique. Il fut conseiller municipal du 6e arrondissement pour le quartier de Saint-Germain-des-Prés à partir de 1890, puis élu député de la Seine en 1898, réélu en 1902 et 1906.
Son nom a été donné au petit square situé à l'angle de la rue de l'Abbaye et de la place Saint-Germain-des-Prés. On y a placé des vestiges de l'ancienne abbaye, arcades du cloître, qui occupait une partie de la place, et fragments de la chapelle de la Vierge, laquelle se trouvait, parallèle à l'église abbatiale, à l'angle de la rue de l'Abbaye et de la rue de Furstenberg.