Pot-pourri
Place Edmond-Rostand pendant le confinement © Didier Marmion
27 avril
Nous sommes confinés à Paris et « restons chez nous » : avec une attestation, nous sortons avec les enfants, heureux de laisser télétravail, cours et devoirs. Nous avons préparé le circuit d’une heure dans des rues souvent inconnues du VIe, trottinette pour la plus petite, smartphone pour les deux grands qui prennent des photos ! À 20 h, nous applaudissons et remercions ceux qui soignent, mais aussi tous ceux qui assurent notre vie quotidienne au risque de la leur, et nous faisons connaissance des habitants des numéros pairs de notre rue !
C’est dur ! Le plus dur ? recevoir des messages WhatsApp de proches qui nous inondent de « nous pensons bien à vous » avec des photos de leur bonheur d’être confinés à la campagne : travaux de jardinage, repas au bord de la piscine … sans compter ceux qui ont bravé les interdits pour s’autoriser un « week-end » dans une maison moins confortable… mais à la campagne.
À la sortie du confinement, ceux-là seront déçus de la fin de leur vie paradisiaque tandis que d’autres resteront ébahis devant leur indélicatesse !
Julie
7 mai
Je vis seul dans un appartement certes agréable mais seul ! Tout jeune retraité, je dois déménager en province cet été. Je range, je trie, je lis, je téléphone, je regarde la télévision. Les chaînes d’information continue sont stressantes : trop de journalistes experts en médecine ! des médecins experts qui se contredisent à l’envi. Les hommes politiques accusés de tous les maux : ils n’ont pas fait ceci, ils nous mentent… Je me demande ce que j’aurai fait à leur place. Je préfère ne plus regarder la télévision sauf pour de remarquables émissions documentaires, mais bien tard le soir. Alors je suis de plus en plus « décalé ».
Je me couche trop tard pour me lever tôt. Tous les jours, je vais chez le boulanger, je fais un saut au Franprix, mais de plus en plus tardivement ce qui m’oblige à faire la queue dehors. Je deviens le sociologue des queues : la dame qui donne des leçons à celui qui la suit de trop près ; celui qui essaie de lier conversation mais est inaudible avec son masque ; ceux qui refusent le moyen de paiement proposé ; ceux qui se moquent des règles de distanciation et ceux qui essaient de les respecter. J’observe ceux qui portent un masque : ils le retirent pour parler et le remettent, le relèvent sur le front ou le descendent sur la bouche pour ne pas avoir de buée sur les lunettes, certaines l’enlèvent et le font admirer en expliquant comment elles l’ont fabriqué. Avec ironie, je me prends à penser que ceux qui les utilisent si mal sont ceux qui dénoncent le plus fort le manque de masques pour leur sécurité !
Je suis dans la rue une heure par jour. Je me dirige vers le Luxembourg, mon lieu de promenade préféré, mais pour en faire le tour extérieur. Il y a beaucoup de monde, ceux qui couraient mais que je ne rencontre plus maintenant qu’ils sont condamnés à ne courir qu’à certaines heures, les enfants qui montent sur les rebords des grilles, marchent en les tenant puis sautent. Je remonte la rue d’Assas déserte, je marche au milieu du boulevard du Montparnasse sur le « site propre » des autobus et des taxis, peu me croisent ! Il est midi, sur le parvis de Notre-Dame-des-Champs, un peu d’animation, une queue disciplinée, on distribue des repas à ceux qui n’en ont pas. Je décide de proposer mes services à la dame du deuxième. Elle l’acceptera volontiers et me téléphonera quelquefois.
Je rentre chez moi et je m’enferme jusqu’au lendemain.
Jean-Paul Meyer
Merci pour votre Petit journal, découvert par hasard
19 mai
Je me prends à regretter le silence et l’absence totale d’obligations pendant le strict confinement ! Quel confort, quel silence, quel parfum quand la fenêtre s’ouvre, on observe et entend le vol des canards pas si éloignés de la Seine ou celui des pigeons affolés quand on frappe les mains à 20 heures en hommage aux soignants... On a redonné au temps sa valeur, celle qui accorde la possibilité de lire sans penser qu’on devrait faire autre chose, de regarder des photos, de bavarder au téléphone ou sur son smartphone sans mauvaise conscience, de refaire des béchamels ou des mayonnaises à l’envi, de faire la sieste à n’importe quelle heure de la journée...
Pour la « personne âgée et vulnérable » que je suis, pas de télétravail, pas d’enfants en bas âge à surveiller, pas d’adolescents maugréant ou d’humeur exquise à « gérer », pas de risque de chômage ou de faillite...
La vie aurait été belle si elle n’avait pas été privée de l’essentiel : les passages de ceux que j’aime le plus, mes enfants et petits-enfants, mes frères et sœurs. Le plus dur : ne pas les voir réellement, les serrer dans mes bras, toucher et embrasser ceux que j’aime...
Finalement non, je préfère la vie déconfinée avec ses contraintes, c’est la vraie vie !
Anne-Marie Reder
22 juin
Le Sénat a rouvert le jardin du Luxembourg pour le plus grand bonheur des habitués, fatigués de longer ses abords ou de s’agglutiner sur les murets de pierre des grilles.
Les parterres des pelouses sont encore garnis d’un magnifique engrais vert et les chaises et fauteuils rejoignent leur place d’été au gré du retour des habitants du quartier et des rares touristes de passage.
Quelques statues sont encore confinées ! Un produit sous bâche est utilisé pour rafraîchir leur état et les nettoyer sans agressivité.
Les pommiers et poiriers en espaliers jettent leurs masques pour une respiration retrouvée.
Didier Marmion