Un autre confinement, le siège de Paris 1870-1871
Jeudi 29 septembre 1870. La viande commence à manquer. Les queues s’allongent devant les boucheries.
Lundi 10 octobre. La viande est rationnée : une livre par personne pour 5 jours.
Lundi 24 octobre. Ne parvenant plus à nourrir ses animaux le Jardin des Plantes s’en sépare. La boucherie anglaise du boulevard Haussmann écoule zèbres, rennes, buffles et antilopes sous l’étiquette « viande de fantaisie ».
Dimanche 30 octobre. Les boucheries municipales n’ayant plus de viande ne distribuent plus que de la graisse animale fondue, le suif.
Jeudi 10 novembre. Un boucher de Rochechouart met à vendre des chiens, des chats, des rats, des brochettes de moineaux. Un marché aux rats s’ouvre à l’Hôtel de Ville. Les rats sont dans des cages. Le client choisit son rat que l’on fait égorger par un dogue avant de le servir au client.
Mardi 22 novembre. Réquisition est faite de toutes les pommes de terre de Paris.
Mardi 29 novembre. L’éléphant Castor du Jardin des Plantes est fusillé et vendu en boucherie.
Dimanche 4 décembre. Le quotidien « Les Nouvelles » publie un menu de circonstance : chien, chat, cheval et rat.
Vendredi 9 décembre. Un décret interdit la vente de la farine et la fabrication de biscuit. Toute farine doit être utilisée pour faire du pain.
Dimanche 11 décembre. Devant la grave pénurie pour se chauffer, la houille et le coque sont réquisitionnés. Parallèlement, réquisition pour les besoins de la boulangerie de tous les bois blancs chez le marchand de bois.
Mercredi 14 décembre. Le gouvernement autorise la vente du pain bis contenant du son.
Jeudi 15 décembre. Par décret, le gouvernement réquisitionne tous les équidés (chevaux, ânes et mulets) destinés à l’abattoir.
Dimanche 25 décembre. À 6 heures du matin, le thermomètre indique - 12°. Le manque de bois et de combustibles est dramatique.
Samedi 7 janvier 1871. On vend encore des singes. La livre de kangourou vaut 18 fr or.
Lundi 9 janvier. Extrait du « Journal de la République » : l’ennemi a commencé le bombardement de la ville. Une pluie de projectiles s’abat sur le quartier des Invalides. Le quartier entre Saint-Sulpice et l’Odéon reçoit un obus toutes les deux minutes. Parmi les victimes civiles, une école de la rue de Vaugirard a quatre enfants tués et cinq blessés par un seul projectile. Le bombardement s’étend au quartier de la rue Monge et de la rue de Varenne. Les hôpitaux regorgent de blessés.
Samedi 14 janvier. Nouvelle réquisition du blé et des farines ainsi que des chevaux (seul moyen de locomotion).
Mercredi 18 janvier. Le pain est rationné à raison de 300 gr par jour et par adulte et 150 gr par enfant de moins de 5 ans. « Toute personne qui découvrira du blé, de l’orge ou de l’avoine soustrait aux réquisitions recevra en récompense 25 fr par quintal. »
Samedi 28 janvier. Capitulation de Paris et signature de l’armistice. Fin du siège de Paris qui aura duré 3 mois et 10 jours.
Mercredi 18 mars 1871. Début de la Commune, insurrection parisienne qui va durer jusqu’au 28 mai.
Ce texte a été publié il y a quelques années dans le Bulletin municipal de la ville de Luché-Pringé (Sarthe). Il était conservé par la famille d’une fillette de 10 ans, qui vécut le siège de Paris lorsqu’elle en avait 7, et qui fut récompensée d’un premier prix d’écriture en 1873.
Élisabeth Dufourcq
8 juillet
Il est probable que ce récit n’ait pas été rédigé par la jeune fille mais par son institutrice, enseignante d’une école communale ou institution privée parisienne de la rive gauche. Ce texte, qui est parvenu jusqu’à nous, est le témoignage de l’état d’esprit de l’enseignement des instituteurs et institutrices traumatisés par la défaite de 1870.
Les exercices d’écriture ont tenu une place importante dans l’enseignement primaire au XIXeet au xxe siècle jusque dans les années 1970. Après l’apprentissage de la lecture, celui de l’écriture cursive,qu’elle soit droite ou penchée, était destiné àfaire écrire lisiblementles enfants. Les textes, écrits par le maître sur le tableau, étaient copiés par les élèves qui, tout en étudiant la calligraphie,révisaient l’orthographe, le vocabulaire, la grammaire, la morale et l’histoire. Pour écrire, ils utilisaient la célèbre plume sergent-majoret trempaient leur porte-plume dans un encrier rempli d’encre violette. Ils calligraphiaient en traçant des pleins et des déliés, évitaient de faire des « pâtés » et séchaient leur écriture avec un buvard. Ces exercicesse faisaient sur des cahiers d’écolier ; en 1892, la librairie Seyes mit au point la réglure encore utilisée aujourd’hui.
Comme pour toutes les autres matières enseignées, l’écriture donnait lieu à des compositions [les contrôles actuels]. Les meilleurs élèves étaient récompensés par des prix, livres dorés sur tranche aux belles reliures rouges et dorées, qui leur étaient offerts lors de la distribution solennelle des prix de fin d’année. Ainsi, cette fillette a reçu le premier prix d’écriture.
En 1965, le stylobille, diffusé en 1953, fut autorisé dans les écoles, mais il fallut attendre quelques années pour que soit progressivement abandonnée la plume et, avec elle, ces exercices d’attention, d’adresse et de compréhension au profit d’autres méthodes pédagogiques.
Marie-Claude Delmas