Marie de Médicis
Le nom de Marie de Médicis est à jamais associé au palais du Luxembourg et réciproquement. Sans elle il n'existerait pas. Sans lui elle aurait rejoint dans la mémoires des peuples le camp des reines délétères.
Née à Florence en 1575, mariée à Henri IV en 1600, couronnée reine de France en 1610, la veille de l'assassinat du roi, régente du royaume jusqu'à la majorité légale de Louis XIII en 1614, elle meurt en 1642 à Cologne, six mois avant son ennemi juré le cardinal de Richelieu (voir dans « Activités/Histoire du 6ème/Personnalités » l'article « Richelieu »), auquel elle doit d'avoir vécu en exil les douze dernières années d'une vie jalonnée d'intrigues. Rien a priori qui justifie un jugement positif de l'Histoire. Mais il y a le palais du Luxembourg et ce legs à la postérité lui vaut bien une once d'indulgence.
Arrivée en France, Marie de Médicis a gardé la nostalgie du beau palais de son enfance, le palais Pitti. En comparaison, le Louvre, où elle réside désormais et qui, loin d'être terminé, n'a pas l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui, lui paraît bien décevant. Elle rêve d'autre chose, mais Henri IV n'est pas un roi bâtisseur et songe davantage à préparer la guerre. De toute manière Sully tient les finances du royaume et n'aurait pas approuvé un projet coûteux. Tout change après la mort du roi. Devenue régente, elle dispose de tous les pouvoirs, éloigne ce ministre trop encombrant, hisse au premier plan ses favoris italiens, Concino Concini et Leonora Galigaï, et peut enfin donner libre cours à ses envies.
Comme elle veut non seulement un toit, mais aussi de vastes jardins, elle a besoin d'espace, et c'est sur la rive gauche, encore peu bâtie, qu'elle peut surtout en trouver. Elle a depuis longtemps repéré un bel hôtel construit au milieu du 16ème siècle au début du chemin qui mène à Vaugirard (notre rue de Vaugirard) et qui, après être passé en plusieurs mains, est alors la propriété de Henri de Luxembourg, duc de Piney. À l'arrière s'étend un parc qui va jusqu'au couvent des Chartreux et de ses dépendances (à peu près à l'emplacement du lycée Montaigne et de l'avenue de l'Observatoire). Elle décide de l'acheter. Le contrat de vente est signé le 2 avril 1612 (1).
L’ancien hôtel du Luxembourg, au voisinage du couvent des Chartreux. Plan de Vassalieu, 1609. Doc Sh6
Le couvent des Chartreux, portail de Saint Louis. Doc. Sh6
Elle complète le domaine en acquérant des terrains ici et là, y compris aux Chartreux. Cela prend environ trois ans. En 1615, elle prend la décision radicale de faire démolir tout ce qui s'y trouve et charge l'architecte Jacques de Bross de lui présenter un projet dans l'esprit de son cher palais Pitti. Les travaux durent cinq ans, et encore ne sont-ils pas achevés quand le palais devient habitable.
Le palais du Luxembourg, dessins originaux attribués à Chalgrin. Doc Sh6
Malheureusement pour Marie, les aléas politiques viennent lui gâter son plaisir. En 1617 le jeune Louis XIII, alors âgé de près de seize ans et majeur depuis presque trois ans, excédé par l'influence des Concini sur sa mère, décide de s'en débarrasser, et par la manière forte. Le 24 avril, Concini est abattu au moment où il franchit la grande porte du Louvre, face à la rue du Coq (aujourd'hui rue de Marengo, face à l'entrée de la Cour carrée du Louvre rue de Rivoli). Quelques jours plus tard la régente, abandonnée d'après peu près tous, quasiment assignée à résidence au Louvre, obtient de son fils de se retirer au château de Blois. La construction de son beau palais va se poursuivre sans elle.
Il lui faut attendre trois longues années pour que Louis XIII consente à pardonner et l'autorise à revenir à Paris à l'automne 1620. À la fin de l'hiver elle emménage enfin au Luxembourg et supervise les travaux de décoration intérieure. C'est à ce moment là qu'elle commande à Rubens les fameux vingt et un tableaux retraçant les plus glorieux épisodes de sa vie et de celle de Henri IV, que l'on peut admirer de nos jours au Louvre. Le peintre les exécute dans son atelier d'Anvers, et les apporte au fur et à mesure à Paris où il les termine in situ entre 1623 et 1625. Marie est tellement satisfaite du travail qu'elle commande une deuxième série de Vingt et une toiles, cette fois-ci à la jeune gloire de Louis XIII.
Mais pour la Florentine qu'elle est restée, il n'y a pas de palais sans jardin. Et, forte de ce qu'elle a observé dans sa jeunesse au palais Pitti, elle sait qu'on ne peut concevoir un grand jardin agrémenté de bassins sans le pourvoir en eau. Palais et jardin ne formant dans son esprit qu'un seul projet, elle se préoccupe dès l'origine de la question de l'eau. Dès 1612, deux ans avant le début des travaux du palais, elle commande la construction d'un aqueduc amenant à Paris les eaux de la source du village de Rungis (on disait alors Rongis) et de quelques sources avoisinantes. Le projet est conçu par l'architecte Jacques de Brosse lui-même et sa réalisation confiée à Jean Coingt, maître maçon et tailleur de pierre, puis à son gendre et associé Jean Gobelin. La première pierre est posée par Louis XIII le 17 juillet 1613. Il ne faut pas moins de dix ans pour mener à bien sa réalisation. La mise en eau a lieu le 19 mai 1623. L'ouvrage s'étire sur près de treize kilomètres et aboutit à la Maison du Fontainier, au pied de l'Observatoire de Paris, en fait son vingt-septième et dernier regard. Depuis il a subi bien des transformations, mais le mérite de son existence revient sans conteste à Marie de Médicis, dont on lui a d'ailleurs donné le nom.
Vu du palais depuis les Chartreux, gravure d’Israël Sylvestre. Doc. Sh6.
Marie en effet, bien que rentrée en grâce auprès de son fils, n'a en rien renoncé à son goût de l'intrigue, cette fois-ci contre Richelieu. Après avoir été son homme de confiance jusqu'en 1614, celui-ci s'est progressivement détaché d'elle et a su se faire apprécier du roi jusqu'à en devenir le principal et tout puissant ministre. Tout se joue pendant les journées des 9 et 10 novembre 1630, entrées dans l'histoire sous le nom de Journée des Dupes (voir dans « Activités/Histoire du 6ème/Évènements » l'article « Journée des Dupes » ), étonnant exemple de retournement de situation. Persuadée au matin du 9 être en mesure d'arracher à Louis XIII le renvoi du cardinal, c'est elle qui, au soir du 10, a perdu la partie. Richelieu a gagné. Elle est mise en résidence surveillée à Compiègne, puis priée de se replier sur Moulins et à défaut sur Angers. Craignant pour sa sécurité, elle préfère sortir du royaume. Après des années d'errance de cour en cour, notamment à Londres, elle échoue à Cologne où elle meurt en 1642 à l'âge de soixante neuf ans. Elle n'a jamais revu son palais tout neuf dont, avant de quitter la France, elle avait fait don à son fils cadet, Gaston d'Orléans.
Le palais et les Chartreux, plan de Delagrive 1728. Doc Sh6.
Notre arrondissement lui est également redevable de trois autres réalisations à deux pas du palais du Luxembourg, qui seront présentées dans des articles séparés : le très discret Petit-Luxembourg, le couvent bien oublié des Filles du Calvaire et la fontaine archi connue qui porte son nom.
La fontaine Médicis du jardin du Luxembourg.
JPD
(1) Sur la construction du palais, on se reportera utilement à l'ouvrage de Louis Favre, Le Luxembourg (1300-1882), récits et confidences sur un vieux palais, , édité en 1882 chez Paul Ollendorff.