CHARLES TOPFFER, AU 3, COUR DE ROHAN
L'atelier aux vitraux
Pendant plusieurs années Il habita au 6, rue de Seine, déjà entouré de bibelots, objets d’art et étoffes, puis alla s’installer au 3, cour de Rohan, d’abord au rez-de-chaussée, puis au premier étage, dans le vieil édifice à hautes fenêtres bien connu des amateurs de ce coin. Le local, plus vaste, lui permit d’amasser de nombreux objets de collection et devint un atelier à sa mesure et fort curieux, divisé en compartiments et ornés de nombreux vitraux, dont quelques-uns, magnifiques, dataient du XIIIe siècle. Il les tenait d’un lot de verreries mis au rebut par un curé, acheté à vil prix et dont une partie fut ultérieurement vendue à Genève (ce lot serait conservé, dit-on au musée de l’Ariana).
L'atelier de Charles Töpffer, cour de Rohan, 1, doc. Sh6. Agrandir >>>
Il trouvait un grand plaisir à arranger ensemble des fragments de vitraux qu’il plombait lui-même. L’atelier déjà fort pittoresque de par son habitat, ressemblait donc aussi bien à un cabinet de curiosités qu’à un atelier de sculpteur ou de maître verrier.
L'atelier de Charles Töpffer, cour de Rohan, 2, doc. Sh6. Agrandir >>>
Charles Töpffer n’ayant abordé les études de dessin que tardivement et, disons-le, jouissant de rentes suffisantes, avait senti qu’il ne pourrait s’attaquer à des œuvres de grandes dimensions : il réalisa surtout des bustes en bronze, comme celui de Brazza, et de nombreux médaillons portraits.
L'atelier de Charles Töpffer, cour de Rohan, 3, doc. Sh6. Agrandir >>>
Le cabaret de la "Petite Vache", au 66, rue Mazarine, rendez-vous des géographes.
Doté de finesse d’observation, il était dit-on, fort séduisant en société ; héritier de l’esprit caustique de son père, c’était, disait Evert van Muyden, un causeur charmant aux fines réparties. Il fréquentait assidûment le célèbre restaurant crèmerie de la « Petite Vache », au 66, rue Mazarine, les habitués d’alors se sont longtemps souvenus de l’entrain qu’il y apportait. Ce restaurant, malgré son exigüité et son aspect insignifiant, fut pourtant pendant près de 50 ans de 1848 à 1898 le rendez-vous d’hommes cultivés et surtout d’esprit.
De nombreux explorateurs de la Société de géographie, qui s’y réunissaient chaque Vendredi, y échafaudèrent de grands projets, comme Brazza, Garnier, Mizon, Crampel, Crevaux et bien d’autres. L’humour et la bonne humeur était de rigueur dans ces deux petites salles, l’une surnommée le Sénat, l’autre la Chambre des députés : il nous reste notamment la trace d’une soirée nommée pompeusement « Bal du Pis », dont l’invitation était assortie du programme suivant :
- Chaque veau est prié de se vêtir d’une façon grotesque quoique décente,
- Chaque génisse est priée de se vêtir d’une façon excitante, quoiqu’indécente
- Les salons ouvriront à 10 heures
- On est prié de laisser sa mauvaise humeur au vestiaire
- NB : par ordre du préfet, les veaux marins sont prévenus que toute scène de jalousie est absolument interdite.
Ce carton avait été réalisé par Evert van Muyden, un illustrateur graveur de talent, grand habitué du lieu et cousin de Toppfer, qui réalisait patiemment de nombreux portraits d’un réalisme surprenant qui sont parfois les seules représentations que nous ayons de ces conquérants du monde : ses recueils de dessins, quoique malmenés par de nombreuses « consultations » sur les tables de la gargote, ont été restaurés et conservés au cabinet des estampes de la BnF sous le nom « l’album de la Petite Vache ». Parfois une croix ajoutée en haut du portrait, comme ceux de Francis Garnier, Jacques de Brazza, J.L. Dutreuil de Rheins et Paul Crampel rappelait la réalité du métier d’explorateur d’alors.
Portraits de Pierre Savorgnan de Brazza, et du Docteur Noël Ballay par Evert van Muyden. Doc. Christian Chevalier. Agrandir >>>
Des médecins et des artistes fréquentaient également l’endroit, comme Harpignies et Whistler, pour ne citer que deux de nos illustrateurs du quartier.
Après 1898, ce restaurant devint rapidement dit-on, une gargote très quelconque.