Buffon et ses débuts parisiens
« Le style, c'est l'homme ». Cette phrase, qu'il n'a jamais écrite ni prononcée, semble à jamais associée au nom de Buffon. C'est à la fois réducteur, car il est l'auteur inégalé d'une monumentale Histoire naturelle, dont les premiers tomes parus connurent un tel succès qu'ils lui ouvrirent en 1753 les portes de l'Académie française, et injuste pour un homme qui de son temps connut une célébrité comparable à celles d'un Voltaire, d'un Rousseau ou d'un Diderot.
Buffon, dessin de Pujos. Doc CCh
Ce qui est exact, en revanche, c'est qu'il se livra, dans son discours de remerciement lors de sa réception à l'Académie française, à un brillant développement sur la façon dont la personnalité d'un individu se reflète fidèlement dans sa manière de s'exprimer, et cette à cette occasion qu'on l'entendit énoncer que « Le style est l'homme même ».
Si, jeune homme, il fit, comme beaucoup, son Grand tour en Italie, sa vie d'homme s'avéra plus sédentaire que celle de la plupart de ses célèbres contemporains, se partageant à parts à peu près égales entre son pavillon de fonction au Jardin du Roi (notre Jardin des Plantes), dont il fut le surintendant pendant cinquante ans, et sa propriété de Montbard, sa ville natale en Côte d'Or, où il écrivit son œuvre. Alors, que vient-il faire dans une rubrique consacrée à l'histoire du 6ème arrondissement de Paris ? C'est que, après des études ennuyeuses au collège Gondran de Dijon, où son père était conseiller au Parlement, puis à la faculté de droit de cette ville, pour obéir au souhait paternel de le voir faire carrière dans ce domaine, le jeune Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, a décidé de s'émanciper et de suivre sa propre voie, loin de la basoche. Il tâte de la médecine, mais abandonne vite la faculté d'Angers où il s'était inscrit. Son domaine de prédilection, ce sont les mathématiques, et plus particulièrement les probabilités.
Après son Grand tour, il monte à Paris en 1732 (il a vingt cinq ans) et loge chez une connaissance de ses parents, Gilles-François Boulduc, apothicaire du roi, professeur de chimie au Jardin du Roi et membre de l'Académie des sciences, qui demeure rue des Boucheries, à deux pas de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
La rue des Boucheries (ou des Boucheries-Saint-Germain, pour la distinguer d'autres rues des Boucheries dans d'autres quartiers) fait partie des rues du vieux Paris qui ont disparu lors du percement du boulevard Saint-Germain. Elle prolongeait la rue de l'École-de-Médecine jusqu'au niveau du carrefour de Buci.
La rue des Boucheries sur le Plan Delagrive de 1749. En noir le tracé ancien, en orange le tracé actuel. Noter qu’une petite partie de la rue des Boucheries a été conservée dans le tracé du boulevard St Germain. Doc. Sh6.
À deux pas, il avait ses habitudes au café Procope, rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés (notre rue de l'Ancienne-Comédie), où il rencontre les beaux esprits de son temps, des scientifiques de sa génération, membres de l'Académie des sciences, mais aussi des gens de lettres.
Les "célébrités" du café Procope : Buffon (en haut à gauche), Gilbert, Diderot, D'Alembert, Marmontel, Le Kain, ROusseau, Voltaire, Piron, d'Holbach. Doc CCh.
Il y fait en particulier la connaissance de Voltaire, de treize ans son aîné, avec lequel il se lie d'autant facilement qu'ils ont une connaissance commune, Mme du Châtelet, la maîtresse de Voltaire, mariée au grand bailli de Semur-en-Auxois, à quelques lieues de Montbard, lui-même proche de la bonne société dijonnaise.
Voltaire au café Procope. Doc Sh6.
Il restera sept ans rue des Boucheries, jusqu'à sa nomination au poste de surintendant du Jardin du Roi en 1739.
JpD.