Notre Bulletin contient de nombreux articles savants, plus que centenaires mais bien oubliés. Nous vous proposons à l’occasion de les reprendre en les mettant à jour et en les illustrant pour leur donner une seconde vie. Tel est le cas de celui-ci.
À l’emplacement des immeubles portant les derniers numéros du quai des Grands-Augustins, se perpétue le souvenir du couvent des Grands-Augustins, détruit après la Révolution. L’histoire de l’éphémère marché à la volaille nommé marché de la Vallée, qui occupa cet endroit au XIXème siècle nous est par contre moins connue. Cet article reprend directement de la publication de Numa Raflin, tirée du Bulletin de la Société historique du VIe, Année 1908 T. I, en le complétant en particulier d’illustrations.
L'établissement d'une halle à la volaille à Paris
L’histoire du marché de la Vallée commença le 26 novembre 1678, lorsque le Conseil d’État royal rendit un arrêt par lequel ordre était donné au sieur de La Reynie, lieutenant général de la police à Paris, de se transporter en compagnie des procureurs généraux siégeant au Châtelet et d’une douzaine des notables bourgeois de Paris, au quai des Augustins, où, en leur présence, serait levé par l’architecte du roi un plan pour l’établissement de la halle à la volaille. Cette commission reconnut que le quai des Augustins (1) était beaucoup plus commode pour y tenir un marché que la halle nouvelle (place Dauphine), et même que l’ancienne Vallée de Misère (quai de la Mégisserie) (2), que le vent du nord qui y soufflait était des plus avantageux pour écarter les miasmes et pour conserver la volaille, qu’en outre le marché pouvait s’y déployer plus à l’aise (3).
En conséquence, le 3 juin 1679, le Conseil arrêta que le marché à la volaille se tiendrait désormais sur le quai des Augustins. En 1748, le marché du pain s’y tenait aussi en même temps, « quatre-vingt-douze boulangers y étalaient leurs pains les mercredis et samedis de chaque semaine ». (4).
Bien qu’il y eût trente-sept ans (1642), que le marché eût abandonné l’emplacement dont il avait pris la dénomination, on continua de l’appeler marché de la Vallée de Misère, ce qui jurait sensiblement avec sa nouvelle situation, car, à cette époque, le quartier des Augustins était, avec ses nombreux et grands hôtels (d’Étampes, d’Hercule, de Savoie et de Conti, etc.), un des plus aristocratiques de Paris. On l’aurait aussi surnommé le Marché de la Vallée, parce qu’il était situé dans la partie basse de la berge du fleuve, à l’endroit où existait jadis la « saulsaye » dont parlent du Breul et Félibien, et au point où Philippe le Bel avait jugé nécessaire la construction d’un mur de quai (5)(6).
Représentation de l’ancien marché au pain et à la volaille. Gravure fin XIXème Parismuséescollections
Ce marché, installé en plein air, rendait la circulation difficile; ses baraques obstruaient le dégagement du Pont-Neuf. Il était incommode pour les marchands et d’un voisinage désagréable pour les habitants du quartier (7).
« Mais, écrit M. Léon Michel (8), Napoléon, qui avait habité quai de Conti, avait dû être frappé de l’incommodité et de l’aspect repoussant de ce marché. Ces souvenirs ne furent peut-être pas étrangers à la décision qu’il prit en 1807 de faire construire un marché pour la vente en gros et en détail de la volaille et du gibier. ».
La construction du marché de la "Vallée"
Il faut plutôt penser que la construction du nouveau marché faisait simplement partie du plan d’ensemble adopté par Napoléon pour améliorer les conditions d’approvisionnement de Paris (9). Le 25 septembre 1807, un décret impérial ordonna la construction, sur l’emplacement de l’église et d’une partie du cloître du couvent des Grands-Augustins (10), d’un marché pour la vente en gros et en détail de la volaille et du gibier. L’architecte Happe (11), dont les plans avaient été approuvés par le ministre de l’Intérieur, Champagny, duc de Gadore, fut chargé de l’exécution des travaux, qui furent mis en adjudication pendant le second semestre de 1809 (12).
La même année, le 17 septembre, à midi, le comte Frochot, Préfet de la Seine, procédait à la pose de la première pierre du futur marché. Une boîte de plomb, renfermant plusieurs pièces de monnaies, fut placée et scellée sous la pierre, avec les cérémonies usitées (13).
Le Moniteur fait, à diverses reprises, connaître l’état des travaux. Le 29 novembre 1809, il annonce que « les arcades du côté septentrional (c’est-à-dire du quai), sont déjà presque toutes cintrées. On aperçoit que ce marché sera aussi élégant que commode, et qu’au lieu d’encombrer, comme par le passé, un des quais les plus passagers (sic), il lui offrira une perspective agréable ». Le 20 avril 1810, on mit en adjudication la démolition prochaine de l’hôtellerie du Cheval-Blanc, sise rue des Grands-Augustins, dont le terrain devait être pris pour les constructions du marché (14).
« On travaille avec rapidité au nouveau marché, lit-on dans le Moniteur du 6 mai 1810, la seconde file d’arcades vient d’être produite comme par enchantement. Tout l’édifice sera en pierres de taille ; il formera un carré parfait, fermé de boutiques sous des arcades, coupé au centre alternativement par des portiques croisés offrant doubles étales et par des avenues pour la circulation du public. » L’ouverture du marché devait être impatiemment attendue, car le même Moniteur, du 7 octobre 1810, relève que « l’un de nos journaux a commis une erreur en annonçant que le nouveau marché à la volaille est terminé ; il n’y a de fini que la galerie de façade et celle en retour sur la rue des Grands-Augustins. L’une des galeries est fort avancée et l’on creuse les fondations des autres ».
Avant d’être achevé, le nouveau marché soulevait déjà l’enthousiasme de certains publicistes, et particulièrement d’un sieur Boulland, architecte, ancien historiographe, qui, dans le Journal de Paris, du 31 octobre 1810, écrivait :
Parmi les travaux d’utilité publique qui ont lieu actuellement à Paris, celui qui fixe l’attention des curieux, comme des gastronomes, est la nouvelle halle à la volaille, qui s’élève d’après les plans de M. Happe, et dont la construction est dirigée par l’architecte avec autant d’intelligence que de célérité. Situé favorablement vers le nord, sur les bords de la Seine, dans un des plus beaux aspects de la capitale, attenant à un vaste quai, propre à la circulation des voitures d’approvisionnement, cet édifice pourrait figurer comme bourse dans une ville maritime.
Après une description du bâtiment, l’auteur poursuit :
La halle à la volaille couverte en entier, et n’étant point entravée par des piliers en bois, tels que ceux de l’immense bazar du Temple et de l’élégant marché des Jacobins, où ils sont nécessaires, offre dans les grandes solennités de l’Empire, la ressource d’un vaste local, où sans déplacement le peuple pourrait, à l’abri des injures du temps, participer à la fête générale.
Et plus loin :
Enfin, dans cet édifice terminé sans parcimonie, ne conviendrait-il pas, en faisant l’inauguration de ce quartier général des volatiles et du gibier de tant de départements, d’y placer dans l’intérieur cette inscription :
HUJUS ÆDIFICII
NAPOLEONI IMPERATORIS ET REGIS
MUNIFICENTIAM
LAPIDES CLAMABUNT.
En septembre 1811, « on pose les grilles qui servent de clôture à cet édifice, d’une belle construction et d’une grande utilité, et qui, sous peu de jours sera en état de recevoir les marchands » (15).
En 1812, les travaux, tels qu’ils avaient été primitivement conçus, furent terminés. Le bâtiment se composait de trois nefs ou galeries parallèles : celle du nord, sur le quai, destinée à la vente au détail, deux autres, dont l’une, en bordure des maisons de la rue du Pont-de-Lodi, destinée à la vente en gros, ainsi que la troisième placée au centre de l’édifice. « Il existait, en outre, des bâtiments contigus donnant sur la rue des Grands-Augustins et qui contenaient des bureaux, une caisse et un logement pour le commissaire et l’inspecteur général des halles et des marchés (16). »
Le marché de la Vallée et la rue du Pont de Lody (sic). Plan de Frochot, 1812. Collection Sh6.
Plan du marché de la Vallée, tiré de l’Atlas Vasserot, (1810-1836). Site des Archives de Paris.
Le marché nouvellement construit. Gravure de Testard et Berthoud, Coll. Sh6
Mais, afin de donner aux deux nefs de la vente en gros la même longueur qu’à celle du marché au détail, on résolut de les prolonger vers l’ouest. L’administration municipale fit l’acquisition d’une partie de l’ancienne salle du chapitre du couvent, et l’on résolut même d’abattre les maisons situées entre le marché et la rue du Pont-de-Lodi pour former au midi une place qui, flanquée de deux pavillons se terminant sur cette rue, serait fermée d’une grille de fer (17).
Les travaux d'agrandissement commencés par Happe en 1813 furent terminés par l’architecte Lahure (18) en 1814. Mais ils n’eurent pas l’ampleur tout d’abord projetée.
L'extension vers la rue du Pont-de-Lodi
Cependant, un débouché sur la rue du Pont-de-Lodi devait présenter un grand avantage. La ville acheta donc les propriétés qui séparaient le marché de la rue, et les abattit, sauf un quartier de maison que l’on conserva pour y mettre des écoles gratuites (19). On éleva sur ce terrain, d’après les projets de M. Lahure, quarante resserres et un abattoir à l’usage des marchands en détail. Au milieu de ces constructions, on ménagea deux passages pour les voitures desservant le marché (20). »
En 1821, Dulaure, dans son Histoire civile, physique et morale de Paris, a donné de ces bâtiments la description suivante :
Cette halle se compose de trois galeries, divisées par des rangs de piliers, liés entre eux par des grilles de fer. La galerie du centre sert aux voitures et aux marchés en gros; la première galerie, destinée à la vente en détail, offre de petites boutiques élégamment construites et placées à égale distance. La longueur de cet édifice est de 62 mètres et sa largeur de 46 mètres.
La façade de cette halle, du côté du quai, présente onze arcades, et sa façade sur la rue des Grands-Augustins en a douze (21). L’architecture est dans le style convenable à la destination de l’édifice ; elle fait l’ornement du quai.
Vers le milieu de l’année 1835, des travaux d’assainissement intérieur furent terminés. Les anciennes boutiques de bois furent reconstruites en fonte et recouvertes d’une peinture à nuances bronzées, et le sol fut entièrement dallé.
Des bornes fontaines placées aux extrémités des galeries servirent « à entretenir la fraîcheur et la propreté dans cette vaste enceinte, qui deviendra ainsi un des plus beaux marchés de Paris (22). Le marché se tenait les lundis et vendredis jusqu’à midi, et les mercredis et samedis jusqu’à 2 heures pour la vente en gros, tous les jours, pour le détail. Le droit perçu sur la vente au profit de la ville était du dixième de la valeur, et un dixième de ce droit était abandonné aux facteurs. En 1836, la perception produisit à la ville une somme de 754.854 fr.82. Il était payé, en outre, pour les boutiques de la première galerie, où se faisait la vente au détail, un droit de location perçu au bénéfice des hospices ; ce droit, pour cette même année 1836, s’éleva à 132.576 fr.50 (23).
Les boutiques de la première galerie. Gravure Coll. Sh6.
Le marché de « la Vallée » (Magasin pittoresque 1837), Coll. Sh6
Le 25 août 1837, l’architecte Lahure dressa un plan qui apportait diverses modifications à l’installation du marché. Il construisit en particulier quarante-cinq resserres d’une superficie totale de 397m,69 et d’un produit quotidien de 1.988 francs (24). Ces resserres ou petits pavillons étaient destinées à enfermer la volaille vivante; elles se trouvaient dans la troisième galerie, c’est-à-dire du côté de la rue du Pont-de-Lodi, où se faisait précédemment la vente des agneaux (25).
Jusqu’alors l’eau, malgré les fontaines placées dans l’édifice, n’était pas suffisamment abondante. Aussi lit-on qu’ « avant peu, l’administration municipale doit faire établir un grand réservoir en tôle d’où s’échapperont des conduits destinés à amener dans toutes les parties de l’édifice l’eau nécessaire à sa salubrité (26) ».
Les deux premières galeries et l’horloge du marché de la Vallée. Gravure Coll. Sh6 (détail)
Le marché de « la Vallée ». Gravure Copyright Sh6
Cette intéressante lithographie à la plume nous a été aimablement communiquée par M. Gosselin, marchand d’Estampes. Sur l’affiche collée à gauche de la porte d’entrée du marché, on peut lire : T. Fabre, Estampes, 41, quai des Grands-Augustins. Cette lithographie lui servait, en effet, d’adresse. Détail de la gravure.
Mais l’administration jugea sans doute qu’une horloge avait plus d’utilité qu’un réservoir, car, quatre ans après, le Moniteur du 28 septembre 1841, disait : « Chaque jour, le nombre des horloges publiques se multiplie dans la capitale ; le temps n’est pas loin où tous les grands édifices en seront pourvus. Au-dessus de l’entrée principale du marché de la Vallée, on élève en ce moment un petit arc de triomphe tout en pierres de taille, pour recevoir une horloge, comme celle que l’on vient de poser sur le faîte de la halle aux draps. » Enfin, le 27 décembre 1851, le même journal annonce que : « On établit en ce moment au marché à la volaille, dans la partie la plus rapprochée de la rue du Pont-de-Lodi, un grand réservoir, dont la cuve, construite en fer, a plus de 5 mètres d’élévation, et qui a été hissée au moyen d’un puissant appareil, au-dessus du mur qui fait face à la rue de Lodi. L’établissement de ce réservoir était depuis longtemps jugé nécessaire dans ce marché où la vente du gibier et de la volaille se fait sur une grande échelle, et dans lequel se trouve un abattoir qui y a été annexé, il y a quelques années. »
Les deux arcades du marché avoisinant le restaurant Lapérouse. Carte postale. Coll. Christian Chevalier.
Du coup, l’installation du marché devait être définitivement terminée.
Le marché de la Vallée, vu des tours de Notre-Dame. Photo Jouvin. Parismuséescollections.
La fin programmée du marché à la volaille sur le quai
Mais quelques années plus tard, « par une décision du 12 décembre 1866, le pavillon n° 4 des nouvelles Halles centrales fut affecté en entier, à dater du 26 du même mois, à la vente en gros de la volaille et du gibier (27). »
Le marché en gros dut donc émigrer aux Halles, mais le marché au détail ne quitta pas encore le quai des Grands-Augustins. Du reste, d’après un ancien maire de l’arrondissement, M. Victor Borie, le débit au détail était peu important sur ce marché, qui était plus spécialement affecté aux ventes en gros de la volaille et du gibier. Le même auteur assure que l’expédition de quantités considérables de pigeons vivants au marché de la Vallée a donné naissance à la singulière industrie des gaveurs (28), pour lesquels était réservé un local spécial.
Victor Borie. Wikimedia Commons
Bien qu’il se vendît à la Vallée de fort importantes quantités de volaille et de gibier, les belles pièces y apparaissaient rarement et les restaurants de premier, de second et même de troisième ordre, ne s’y fournissaient pas. Les clients habituels étaient les restaurants à 32 sous, les traiteurs, les rôtisseurs et les revendeurs des marchés. On y rencontrait aussi les raleux ou marchands à la voiture et des revendeurs campagnards, appelés les houillons, du nom du village de Houilles, d’où ils sortaient presque tous. Les houillons achetaient de préférence ce qu'il y avait de plus mauvais en fait de gibier et le revendaient à Paris ou aux environs à un prix modique, en laissant supposer qu’ils l’avaient braconné (29).
Dans le courant de 1867, le marché au détail dut être réduit, car des publications de l’époque (30) annoncent la suppression récente du marché de la Vallée.
Par contrat des 21 et 29 avril 1869, la ville vendit à. M. Blondel 3.041m,71 de terrain, sur les 3.929m,59 de la superficie totale du marché, et elle se réserva 887"",88 pour l’agrandissement des établissements scolaires de la rue du Pont-de-Lodi (31).
Une démolition par étapes
La démolition commença en juin 1869 (32) et, au cours des travaux d’affouillement, on retrouva la première pierre qui avait été posée soixante ans auparavant (33). La plus grande partie du terrain concédé à M. Blondel fut acquise à la même époque par la Compagnie générale des omnibus, qui y établit un dépôt central pour ses différents services (34). Il restait donc encore des terrains à vendre. Mais la guerre survint et les bâtiments en bordure du quai subsistèrent encore pendant quelque temps. Ils devaient même abriter certains marchands, car, dans son Rapport an Conseil municipal sur les recettes des halles et marchés au budget de 1882, M. Alfred Lamouroux, parlant du marché de la Vallée, dit qu’il a été désaffecté il y a peu d’années et vendu à un grand magasin de nouveautés, qui y a établi un dépôt de marchandises (35).
L'installation de la Compagnie Générale des Omnibus
L’école de la rue du Pont-de-Lodi a été reconstruite en 1871-1874, trois maisons portant les numéros 53, 53 bis et 53 ter s’élevèrent en bordure du quai, et au début du XXe siècle il ne restait de l’ancienne « Vallée » que la galerie centrale, transformée en dépôt par la Compagnie générale des omnibus (36). La partie que l’on voit encore debout en 1910 sur l’image ci-après, pouvait donner une idée assez exacte de cette banale construction qui satisfaisait la bizarre esthétique de nos pères et faisait leur admiration. La façade du n° 4 de la rue des Grands-Augustins montrait alors six de ces arcades qui, suivant Dulaure, « faisaient l’ornement du quai ». Au centre, les six arcades résiduelles du marché de la Vallée, pendant la crue de 1910. Les premières correspondent à la galerie centrale.
Vue de la rue des Grands-Augustins prise depuis le quai des Grands-Augustins. Carte postale. Coll. Sh6
Elles étaient à cette époque bariolées d’affiches, et de leurs ouvertures s’échappaient – était-ce un relent des générations de volailles qui y passèrent jadis – des odeurs d’une suavité douteuse.
La démolition finale du marché de la "Vallée"
En 1912 les derniers vestiges furent enfin démolis.
Démolitions en 1912, de la galerie centrale, photos prises vers l’ouest.
Démolitions en 1912, de la galerie centrale, photo prise vers l'est (on y reconnait la rue des Grands-Augustins et le restaurant Lapérouse).
Photos Parismuséescollections.
Entièrement reconstruite, la façade sur la rue des Grands-Augustins a repris partiellement cette esthétique (il y a maintenant sept arcades au lieu de six). La grille de la porte d’entrée de la Compagnie Générale des omnibus (CGO), a été préservée sur l’une d’elles.
Photographie actuelle (2021) du même point de vue vers la rue des Grands-Augustins (à comparer avec la photo de 1910).
La grille de la CGO, sur l’arcade la plus proche du quai (photos Christian Chevalier).
Maintenant tombé dans l’oubli, ce marché perpétua néanmoins longtemps son souvenir après la disparition de ses derniers vestiges sous la pioche des démolisseurs, car son nom, pour les parisiens, restait depuis plus de deux siècles et demi lié d’une manière indissoluble à la vente en gros de la volaille et du gibier : le pavillon IV des Halles centrales fut d’ailleurs communément appelé… « La Vallée ».
Numa Raflin, Bulletin de la Société historique du VIe, Année 1908 T. I.
Revu et augmenté par Christian Chevalier.
(1) « Situé dans l’ancienne vallée de Laas, vaste territoire jadis planté de vignes, qui s’étendait de la rue Dauphine à la place Saint-Michel. » (Lamouroux, Rapport au conseil municipal de Paris, sur les recettes des halles et marchés au budget de 1882.)
(2) Le marché avait été tout d’abord à la Vallée de Misère (quai de la Mégisserie), puis, à partir de 1642, place Dauphine.
(3) D’après Berty et Tisserand : « Au marché qui se tenait depuis plusieurs siècles sur ce quai, fut réuni, en 1679, celui de la rue Mauconseil. À cette époque, la dame Le Prévost de Courtalvert et le marquis de Sourches et de Guitry, exploitaient dans la rue Mauconseil, un mauvais hangar étroit et bas, servant de halle et répandant dans tout le quartier une odeur malsaine. Sur la plainte des habitants voisins, il fut décidé que la volaille se vendrait sur le quai des Augustins, où il existait déjà un marché de ce genre, et point ailleurs « sous peine du fouet. » (Histoire générale de Paris, Topographie historique du Vieux Paris; Région occidentale de l’Université ; 1887)
(4) (Cf. Jaillot : Recherches critiques, historiques et topographiques sur la ville de Paris..., 1775 ; v, 23. — Thiéry : Guide des amateurs et des étrangers voyageurs à Paris... ; 1787 ; II, 464). — D’après Savary (Dictionnaire de commerce),
(5) (A. Berty et L. M. Tisserand; op. cit.).
(6) D’après Léon Michel : Le Marché de la Vallée (Moniteur, 23 janvier 1856).
(7) « A son plus haut degré d’approvisionnement le marché occupait sur le quai une étendue de 274m71 de long et de 10m42 en largeur, soit 2.862m48, dont il faut déduire 363 mètres, lesquels appartiennent à la voye publique ; reste 2.499m48, dans cette superficie, 2103m48 sont affectés à la vente en gros et 396 à la vente au détail, qui se fait à couvert sous des échoppes. » (Bibliothèque de la ville de Paris : Rapports d'établissement du marché à la volaille sur l'emplacement de l’église des Augustins ; mss, Papiers Molinos; dossier, v-8).
(8) Op. cit.
(9) Les marchés des Jacobins, des Blancs-Manteaux, Saint-Germain, des Carmes, de l’Abbaye-Saint-Martin, la halle aux vins, le grenier de réserve et les cinq abattoirs, furent construits de 1809 à 1818.
(10) Le propriétaire du terrain de l’église des Augustins était un sieur Guyot. (Cf. Papiers Molinos, op. cit.)
(11) Cet architecte a construit, en 1794, avec Sobre, la Maison Batave, rue Saint-Denis, et, en 1810, l’abattoir Popincourt (Adolphe Lance, Dictionnaire des architectes ; 2 vol. in-8°, Paris, 1872).
(12) Dans les rapports qu’il adressait (20 mai 1806, 30 mars et 10 juillet 1807) au comte Dubois, préfet de police, l’architecte Happe « apprécie la dépense des achats de terrains, des bâtisses et des constructions à 612.181 fr. 5o ». Le projet de l’architecte de la ville s’élevait à 615.182 fr.05, soit 3.000 fr.55 de plus. (Cf. Papiers Molinos, op. cit.) Maxime Du Camp (Paris : ses fonctions, ses organes et sa vie) attribue faussement la construction du marché de la Vallée à Lenoir.
(13) Cf. Moniteur, 22 juin et 19 septembre 1809.
(14) Cf. Moniteur, 18 avril 1810, et Papiers Molinos, op. cit.
(15) Moniteur du 23 septembre 1811.
(16) Dulaure, Histoire civile, physique et morale de Paris, t. VII, p. 170 ; 1837.
(17) Cf. Moniteur, 27 juillet 1812.
(18) Pour tous renseignements sur cet architecte, on trouve dans Quérard (France littéraire) : Lahure, architecte à Paris, auteur de Moyens pour accourcir les opérations de la perspective ; Paris, 1790, in-4°
(19) Il y en a toujours eu depuis.
(20) Léon Michel, op. cit.
(21) B. de Roquefort : Dictionnaire historique et descriptif des monuments religieux, civils et militaires de la ville de Paris, 1826, in-8, p. 241.
(22) Cf. Moniteur, 26 février 1835 ; Dulaure, op. cit., 1837, note de Belin; VII, 170.
(23) Cf. Le Magasin pittoresque, octobre 1837; Conseil municipal de Paris, Alfred Lamouroux : Rapport présenté sur les recettes des Halles et marchés, au budget de 1S82.
(24) Archives départementales, note ms., dossier : Halles, pavillon n° 4 ; n° 2 bis. (3) Cf. Magasin pittoresque, op. cit.
(25) Cf. Magasin pittoresque, op. cit.
(26) Cf. Magasin pittoresque, op. cit.
(27) Préfecture de la Seine : Note sur les abattoirs, entrepôts, halles, marchés, etc; Paris, 1889; 1 vol. in-4°.
(28) Ce serait à l’ancien marché, car on lit dans Sébastien Mercier (Tableau de Paris, Amsterdam, 1783-1787, 12 vol. in-8) : « Hommes délicats, hommes jaloux de votre santé, ne mangez point de pigeons à Paris, quand ils viendront du quai de la Vallée. Imaginez-vous (l’oserai-je écrire?) que tous ces pigeons qui arrivent et qui ne peuvent être vendus ni consommés le même jour, sont gavés par des hommes qui leur soufflent avec la bouche de la vesce dans le jabot...Oh ! quand elle [la volaille] vous sera servie dans de beaux plats d’argent, souvenez-vous, de grâce, de la bouche infâme du quai de la Vallée. » (T. I, p. 222-223.)
(29) Victor Borie, article l’Alimentation à Paris, dans Paris-Guide. Paris, 1867; H, 1523.
(30) Entre autres Paris-Guide, op. cit.
(31) Arch. dép., not£ mss. ; collection Lazare, t. X, p. 870.
(32) Journal officiel, 17 juin 1869.
(33) Arch. dép.; collection Lazare, t. X, note mss., p. 880.
(34) Journal officiel, 17 juin 1869.
(35) Il y a là une légère erreur. La Compagnie générale des omnibus loue à bail pour une durée de neuf années (de 1873 à 1882), une des maisons en bordure du quai (le 53 ter) au magasin du Louvre, qui y installa une fabrique de literie au rez-de-chaussée et emménagea tous les étages pour servir d’hôtel à ses dames employées.
(36) Berty et Tisserand (op cit.), font une double erreur lorsqu’ils écrivent : « il ne reste aujourd’hui plus rien ni du couvent des Grands-Augustins ni du marché qui lui avait succédé. »