Le Premier séminaire Saint-Sulpice (1645 - 1803)
La plupart des contribuables du 6ème arrondissement savent que le centre des impôts dont ils dépendent, place Saint-Sulpice, occupe les locaux d'un ancien séminaire vidé de ses occupants le 20 décembre 1905 en application de la loi du 9 décembre de la même année instaurant la séparation de l'Église et de l'État. En revanche ils ignorent probablement que ce séminaire avait été précédé d'un premier établissement, situé tout à côté et disparu depuis plus de deux siècles.
Pour se faire une idée précise de l'endroit où il se trouvait, il faut se souvenir que le percement de la place Saint-Sulpice, sous le Ier Empire, est postérieur d'environ un siècle à la construction de l'église actuelle dont la façade donnait jusque là sur un étroit dégagement dans l'alignement des rues Férou et des Canettes. Avant, l'essentiel de la place que nous connaissons était donc construit : c'est très exactement à cet endroit que s'élevait le premier séminaire Saint-Sulpice.
Plan de situation, Pichon 1787 : l’église Saint-Sulpice est en rouge, le Noviciat des Jésuites en jaune et le séminaire en vert (NB : proportions des bâtiments non respectées, doc. Christian Chevalier).
On doit sa création au nouveau curé de la paroisse nommé à ce poste en août 1642, le célèbre Jean-Jacques Olier. Préoccupé par la pénurie de « bons prêtres » en cette période troublée (ce sera bientôt la guerre civile connue sous le nom de « Fronde »), il avait créé une ébauche de séminaire dans le village de Vaugirard où il exerçait auparavant son ministère.
Jean Jacques Olier (doc. Sh6).
Dès son installation à Paris, il forme le projet d'installer cette petite institution au cœur de sa nouvelle paroisse (1). Il acquiert à cet effet un terrain situé entre la rue du Pot-de-Fer (notre rue Bonaparte dans sa partie terminale allant de la rue du Vieux-Colombier à la rue de Vaugirard) et l'église, et, comme cela a été le cas pour de nombreux édifices religieux sous l'Ancien régime, mobilise pour sa réalisation les plus grands artistes du temps. Le chantier est confié en 1645 à l'architecte Jacques Lemercier. Ce n'est pas le premier venu : on lui doit le pavillon de l'Horloge au palais du Louvre, la chapelle du Val-de-Grâce ou l'église Saint-Roch.
Plan de l’ancien séminaire de Jean-Jacques Olier (plan Huguet, date précise inconnue, doc . Christian Chevalier)
L'entrée se fait par la rue du Vieux-Colombier, d'où on accède à une grande cour carrée entourée de bâtiments sur trois étages. La chapelle, de dimensions modestes (17 m. de long pour 7,5 m. de large), se trouve au fond de la cour à gauche, du côté de l'église Saint-Sulpice. Derrière on a dessiné un jardin lui aussi de forme carrée.
Médaille montrant l’intérieur du séminaire, déposée dans les fondations par Jean-Jacques Olier (doc. Sh6).
La décoration de la chapelle assurée par Charles Le Brun qui s'illustrera un peu plus tard à Vaux-le-Vicomte puis à Versailles. Il réalise deux œuvres de grande qualité : un tableau, intitulé « La descente du Saint-Esprit » où Le Brun s'est représenté sous les traits d'un disciple du Christ, et au plafond une toile monumentale de 12 m. sur 4,5 m. illustrant l'Assomption de la Vierge. De quoi rivaliser avec le Noviciat des Jésuites tout proche, de l'autre côté de la rue du Pot-de-Fer, où à peu près au même moment travaillaient Nicolas Poussin et Simon Vouet.
Croquis de l'Assomption de la Vierge, ancien plafond de Charles Le Brun (doc. Christian Chevalier.)
Comme ailleurs la Révolution portera un coup fatal au séminaire Saint-Sulpice. Déclaré bien national, il sera investi par la section municipale du Luxembourg et servira aussi de logement aux femmes des volontaires engagés « pour la défense des frontières ». Enfin la décision du Premier consul de percer une place devant l'église Saint-Sulpice entraîne sa démolition en 1803 et, avec elle, la destruction du plafond de Le Brun. Une copie de sa partie centrale a été reproduite sur la voûte de la chapelle du grand séminaire d'Issy-les-Moulineaux. Quant à « La descente du Saint-Esprit », le tableau a pu être sauvé : il se trouve aujourd'hui dans la chapelle des Sulpiciens, rue du Regard, toujours dans le 6ème arrondissement.
JPD
(1) Cette note s'appuie sur l'opuscule de Jean-Louis Carbon, intitulé « Du séminaire aux Finances », publié en 1999 aux Éditions Téqui.