La fontaine de la place Saint-Sulpice
La place Saint-Sulpice n'a pas toujours existé. Elle fut aménagée sous le Ier Empire après la démolition en 1803 du séminaire Saint-Sulpice, qui en occupait l'emplacement et dont la façade, tournée vers le nord, s'étendait dans l'alignement des rues Férou à l'est et des Canettes à l'ouest. Inaugurée en 1813, elle ne prit son aspect actuel que sous la monarchie de Juillet.
Dès l'origine, une fontaine en occupa le centre, la Fontaine de la Paix, qui fut déplacée1 en 1824 en prévision de travaux d'agrandissement qui restèrent sans suite.
La nouvelle place et la Fontaine de la Paix, Grav. CCh
Il fallut attendre 1838 pour que, une fois la place nivelée et plantée d'arbres, on décide d'y édifier une fontaine monumentale. Le projet fut confié à l'architecte Louis Visconti. Les statues qui occupent les quatre niches représentent de grands prédicateurs du Grand Siècle et sont l'œuvre de quatre sculpteurs différents. La réalisation de l'ensemble s'est étalée sur quatre années, de 1844 à 1847. La fontaine a été classée comme monument historique en 1926.
La Fontaine Saint-Sulpice, état actuel. Photo JpD
On la désigne parfois de façon plaisante comme la Fontaine des Quatre point [sans « s »] cardinaux, en raison de la particularité commune aux quatre évêques de n'avoir pas été élevés à la dignité cardinalice. Cela peut s'expliquer pour trois d'entre eux par la naissance, et pour le quatrième par des prises de position théologiques jugées contestables par l'Église. Quels sont-ils ?
Au nord, l'austère Bossuet, évêque de Condom, précepteur du Grand Dauphin, à nouveau évêque, cette fois-ci de Meaux ; ses sermons et ses oraisons funèbres firent trembler la cour du roi-soleil.
À l'opposé, au sud, et peut-être par un malicieux hasard, le méridional Massillon, évêque de Clermont ; il prêcha lui aussi à Versailles et prononça en 1722 l'oraison funèbre de la célèbre princesse Palatine.
À l'est, face à Saint-Sulpice, l'aristocrate et délicat François de Salignac de La Motte-Fénelon, précepteur du duc de Bourgogne et archevêque de Cambrai ; son opposition doctrinale à Bossuet dans ce qu'on a appelé la querelle du quiétisme et surtout les critiques de la politique de Louis XIV qu'on a cru déceler dans Les aventures de Télémaque l'auront privé de la pourpre.
À l'ouest enfin, face à la mairie du 6ème arrondissement, le discret Fléchier, évêque de Nîmes ; reçu à l'Académie française le même jour que Racine et ayant prononcé son discours de remerciement avant le dramaturge, ce dernier fut tellement impressionné que, dit-on, il ne put que balbutier le sien.
Les armes de ces quatre évêchés (Meaux, Clermont, Cambrai et Nîmes), figurent sur les quatre cotés du lanterneau. A l’aplomb et surplombant également les quatre têtes, quatre chapeaux de cardinal ajoutent à la malice du surnom « Les Quatre point (s) cardinaux », car aucun des protagonistes n'en a été coiffé !
JpD.
1 : Elle a été replacée à une centaine de mètres, dans l'allée du Séminaire, qui longe la rue Bonaparte dans sa partie haute.