Enceinte de Philippe Auguste : les portes Saint-Germain / de Bussy, Saint-Germain, Dauphine et Saint-Michel
Cet article évoque l’histoire curieuse des portes de la partie sud-ouest de l’enceinte de Philippe-Auguste, à savoir la porte Saint-Germain construite en 1209, renommée porte de Bussy en 1350, et qui restera longtemps fermée, la nouvelle porte Saint Germain édifiée à proximité vers 1430, la porte Dauphine, édifiée non loin vers 1609, de courte vie, et enfin la porte Saint-Michel la plus méridionale du VIe, une des portes majeures de l’enceinte de Philippe Auguste.
La porte/tour de Nesle, au nord sera traitée dans un article ultérieur.
On s’est inspiré largement de l’introduction de l’article « La rue de Buci, ses maisons et ses habitants », publiée en 1903 dans notre Bulletin et signée Paul Fromageot. Nous y avons ajouté quelques illustrations et quelques notas.
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La rue de Buci est aussi vieille que l'antique abbaye de Saint-Germain des Prés. Les religieux qui vinrent, à la demande de Childebert Ier, fis de Clovis, vers l’an 550, construire une chapelle sous l’invocation de saint Vincent au milieu des vignes de la rive gauche de la Seine, se frayèrent un sentier serpentant à travers les clos, pour aller gagner le Petit-Pont, et par là, l’église et la cité parisienne. La chapelle se transforma bientôt en une puissante abbaye qui prit pour patron saint Germain, son fondateur. Le sentier devint alors une route tortueuse qui, d’un bout à l`autre, de la porte principale de l’abbaye jusqu`au pont, s‘appela le chemin de Saint-Germain des Prés, via Sancti Germani de Pratis. C’était la future rue de Buci avec la rue Saint-André des Arts lui faisant suite.
La porte Saint-Germain (premier nom de la porte de Bussy).
En 1209, lors de la constructions des remparts formant l'enceinte du Paris de la rive gauche, une porte flanquée de deux tours fut ménagée pour le passage de ce chemin, à la hauteur de la rue Mazet actuelle. Le roi Philippe-Auguste en fit don à l’abbaye de Saint-Germain des Prés à la charge de la faire couvrir de charpente et de tuiles et de l’entretenir en bon état (1).
Cette porte prit naturellement le nom de porte Saint-Germain, et servit à désigner la route qui continuait, en dehors des murs de la ville, à conduire à l'Abbaye. Dans une charte. de 1254, on lit : Vicus per quem exituer de parta Pariesiensi quae vocatur porta Sancti Germani ; et dans une autre de 1292 : Via publica per quam directe itur de Sancto Germano ad portam civitatis Parisiensis quae porta Sancti Germani (2).
Restitution du plan dit de la Tapisserie (vers 1540), contrairement à la légende du plan, et on verra pourquoi,
la porte en question est en vert. Doc. Sh6
Quelques maisons commençaient à se construire en bordure ; on en cite une appartenant en 1292 à l ‘évêque d’Orléans. A cette même date, un manuscrit désigne notre chemin sous la nouvelle appellation de chemin du Pilori (3) parce qu`il aboutissait au pilori édifié devant la porte principale de l`Abbaye. Les religieux de Saint-Germain, devenus propriétaires de vastes domaines, et notamment de la plus grande partie des terres de ce coté du faubourg, avaient été investis en même temps des droits de haute et basse justice. Le pilori placé à l’entrée de la rue de Buci était le signe permanent de ce fructueux privilège.
Le Pilori de Saint-Germain des Prés, indiqué par la lettre T, en arrière plan l’église abbatiale et son enceinte propre,
gravure de Dom Bouillart, 1724, Doc. Sh6.
L`exercice n’en était pas d’ailleurs toujours incontesté, et de fréquents conflits surgissaient tantôt avec l’autorité royale, tantôt avec l’Université. Un curieux exemple s’en était rencontré en 1256. Deux faux-monnayeurs avaient été arrêtés à Villeneuve-Saint-Georges sur des terres appartenant à l’Abbaye, et pendus au pilori abbatial. Les gens de justice du roi prétendirent qu’il y avait eu abus de pouvoir, et, revendiquant la préséance, firent enlever les deux pendus et les firent accrocher au gibet royal. L`abbé Prieur de Saint-Germain protesta à son tour et en référa au roi lui-même. Saint Louis lui donna raison par arrêt de 1257, et en conséquence les deux condamnés furent à nouveau décrochés et rependus au pilori de l'Abbaye ; l’histoire ne dit pas dans quel état se trouvaient les suppliciés lors de cette troisième exécution.
La propriété de la porte donnant de ce côté accès dans Paris était pour les religieux l'occasion d’un autre privilège et la source d’un revenu appréciable. Ils disposaient en effet des logements pratiqués dans les deux tours et dans une maison construite au-dessus de la porte, en même temps, ils percevaient certains droits d’entrée et de passage. Néanmoins ils s’acquittaient assez mal de leur obligation d’entretien, car, vers 1350, la couverture était à refaire entièrement, et diverses réparations étaient urgentes.
La porte Saint-Germain devient porte de Bussy
Il se trouva alors que Mr Simon de Bussy, chevalier, conseiller du roi, Premier Président du Parlement, proposa aux religieux de leur acheter la porte et ses dépendances moyennant une rente annuelle et perpétuelle de vingt livres parisis en se chargeant en outre de toutes les réparations à faire. Cette offre fut acceptée, et la vente conclue en 1350 (4).
Gravure fantaisiste du XIXe siècle illustrant la porte. Doc. Sh6.
Dès lors, la porte reçut le nom de son propriétaire et fut appelée Porte de Bussy.
Bientôt après, le chemin perdit aussi sa désignation du Pilori et fut nommé chemin ou rue de Bussy. On y signalait, à la fin du XIVe siècle, une dizaine de maisons, entre autres celle de Philippe Lécurieux, clerc du collège d`Arras, et médecin (5). Une partie du côté droit, en sortant de Paris, était occupée par une importante tuilerie.
En 1418, la porte de Bussy fut le théâtre d’un grave événement historique. Le duc de Bourgogne, allié aux Anglais, était sous les murs de Paris. Dans la nuit du 29 mai 1418, Jean Perrinet Le Clerc, chargé de la garde et des clés de la porte, l`ouvrit par trahison et introduisit dans la ville le sire de l'Isle-d`Adam à la tête de 800 hommes d’armes qui furent bientôt rejoints par de nombreux factieux et livrèrent Paris au pillage et au massacre.
Perrinet Le Clerc ouvrant la porte de Bussy. Gravure fantaisiste du XIXe. Doc. Christian Chevalier
Les Anglais furent ainsi maîtres de la capitale de la France jusqu’en 1436. La porte de Bussy fut surnommée porte des Anglais, et la mémoire de Perrinet Le Clerc vouée à l’exécration. Dubreul raconte que l`on fit une statue représentant ce traître, « laquelle, pour note de perpétuelle ignominie, fut posée au bout du pont Saint-Michel, contre la maison angulaire des rues de La Harpe et de Bussy. Où elle se voit encore excepté le visage qui est tout effacé des coups de pierre, de fange et autres ordures qu’on a lancés contre, en détestation dudit Le Clerc ». Il est à remarquer, sur ce passage de Dubreul, qu’à l’époque où il écrivait, vers 1712, on donnait le nom de rue de Bussy à ce qui est devenu la rue Saint-André-des-Arts.
La statue de Perrinet le Clerc vandalisée. Gravure fantaisiste du XIXe,
tirée de « Les rues de Paris, Louis Lurine, 1844. Doc. Christian Chevalier
Une nouvelle porte Saint-Germain
Lorsque les Anglais furent expulsés et le roi Charles VII rétabli dans sa capitale, la porte de Bussy rappelant ce honteux souvenir fut murée, et resta condamnée pendant plus d’un siècle. Une autre porte fut pratiquée dans le rempart pour donner accès à l°Abbaye, un peu plus haut, en face du couvent des Cordeliers. On l’appela porte Saint-Germain ce qui l’a fait parfois confondre avec la porte de Bussy dont c’était l'ancien nom.
Gravure fantaisiste du XIXe siècle illustrant la porte de Saint-Germain. Doc. Sh6.
La rue du Pilori ou de Bussy suivit le triste sort de la porte. Les maisons pillées, dévastées par les gens de guerre, furent abandonnées et démolies. La rue même perdit son nom ; elle figure sur le plan de Paris de 1540 sous l’indication de rue Dinetaneau, ou Clinelaneau (6).
Restitution du plan dit de la Tapisserie (vers 1540), la nouvelle porte Saint-Germain est en orange. Doc. Sh6
Cependant, l’ordre étant rétabli en France, la prospérité renaissait à Paris, le faubourg Saint-Germain reprenait quelque valeur. Dès 1538, d’après Félibien (7), le cardinal de Tournon avait sollicité du roi Francois Ier la réouverture de la porte de Bussy et avait obtenu en 1539 des lettres patentes à cet effet. Mais il semble qu`on n`en fit rien pendant plus de onze ans. Il n’y avait d’ailleurs que peu de maisons rebâties dans le faubourg. Un vieux manuscrit provenant de la bibliothèque de l’Abbaye (8) rapporte qu’en 1545 les écoliers de l’Université saccagèrent et brisèrent les vignes et les arbres existant sur une étendue de dix arpents environ entre les murs de l’Abbaye et le Pré aux clercs. On ne voyait donc de ce côté que des jardins et quelques petits bâtiments inhabités.
Ce ne fut que le 15 avril 1550 que le roi ordonna au prévôt des marchands et aux échevins « de faire rouvrir les portes de Bussy et de Nesle condamnées depuis quelques années, ce qui fut d'une grande commodité pour le faubourg Saint-Germain, quoiqu’on ne doit laisser passer par ces portes que les gens de pied et de cheval seulement, à l’exclusion des charrettes et chevaux chargés de marchandises sujettes aux impôts des entrées. La lettre du roi sur ce sujet porte aussi que ce même dit faubourg ruiné par les guerres et réduit en terres labourables avait commencé à se rebâtir sous François Ier (9). La porte de Bussy fut reconstruite alors entièrement à neuf et ornée d’un grand écusson de pierre sculptée représentant les armoiries de la ville. On la cita comme une des plus belles de Paris. La rue redevint fréquentée ; des boutiques, des jeux de paume s`y installèrent ; on y fit des locations à long terme à charge de bâtir. Enfin de 1551 à 1555 la chaussée fut pavée.
La nouvelle porte de Bussy, Gravure fantaisiste du XIXe. Doc. Christian Chevalier
En 1557 un triste spectacle fut donné sur le carrefour au bout de la rue. Deux protestants, Nicolas Lecène, médecin de Lisieux, et Pierre Gavart, solliciteur de procès à Saint-Georges-la-Montagne, en Poitou, ayant été pris à une réunion de leurs coreligionnaires au faubourg Saint-Germain, furent condamnés par arrêt du Parlement à être brûlés vifs devant la porte principale de l’Abbaye, après avoir eu la langue coupée s’ils ne se rétractaient. Les malheureux furent suspendus aux deux extrémités d’une poutre fixée en travers du pilori et brûlés à petit feu.
Malgré ce terrible exemple, les huguenots étaient nombreux dans le quartier, et, dans la nuit néfaste de la Saint-Barthélemy (24 août 1572), le duc de Guise courut avec une troupe nombreuse vers la porte de Bussy, pour se ruer à leur poursuite. Par un heureux hasard, les clefs apportées en hâte n’étaient pas celles qui convenaient, et la lourde porte, solidement fermée, resta inébranlable. Lorsque le duc eut réussi à se faire ouvrir, les huguenots prévenus s'étaient enfuis.
Nota : peut-être n’était-ce pas qu’un « heureux hasard » : le journal des délibérations de la ville de Paris du 6 Juillet 1569 (Fol. 166 V), nous apprend en effet le nom du détenteur des fameuses clefs, à savoir Gabriel Montaigne, procureur fiscal de l’Abbaye. Gabriel Montaigne habitait rue de Seine (au 34 actuel), il était voisin des nombreux huguenots habitant la rue des Marais voisine (actuellement rue Visconti), et ses amitiés avec ces derniers étaient notoires ...
Extrait du Registre des délibérations de la ville, 1569. Doc Sh6.
En 1586, la deuxième porte Saint-Germain établie comme on l’a vu, vers 1430, en face des Cordeliers, fut supprimée, ce qui donna encore plus d`importance à la porte et à la rue de Bussy. Il ne faudrait pourtant, pas se fier à l'amusante description qu`en donne Alexandre Dumas dans son roman des Quarante cinq. Le fécond écrivain y dépeint avec une merveilleuse précision et de minutieux détails une grande hôtellerie flanquée de quatre tourelles, située d`après lui en 1586 à l`entrée de la rue de Bussy, à cent pas de, la porte, et dans laquelle il fait loger quarante-cinq gentilshommes gascons qui y mènent grand tapage. Il place dans la même rue, un peu plus loin, deux maisons se faisant vis-à-vis, dont l'une sert de mystérieuse retraite à la dame de Monsoreau, et l’autre est le logis du célèbre Chicot déguisé en paisible bourgeois.
Il serait inutile, croyons-nous, de chercher à identifier ces trois immeubles dans la rue de Bussy du XVIe siècle. On ne peut en retenir que la faveur donnée par le romancier à notre rue comme la principale voie du faubourg Saint- Germain au temps de Henri III.
Revenons à l’histoire et mentionnons, d`après Dubreul, que le25 juillet 1587 les bourgeois de la rue de Bussy virent défiler sous leurs fenêtres une longue et superbe procession escortant en grande pompe la magnifique châsse contenant les reliques de saint Germain. En tête on voyait s`avancer la bannière de Saint-Sulpice entourée d’une troupe nombreuse de jeunes filles du quartier, toutes vêtues de blanc, couronnées de fleurs et portant des cierges. Puis venaient les jeunes garçons de la paroisse, les Pénitents blancs, les Cordeliers, les Augustins, le clergé de Saint-Sulpice, les Moines de l’Abbaye, sept châsses de reliques de différents saints, et enfin celle de saint Germain faite d’or et argent, couverte de perles et de pierres précieuses. Toutes ces châsses étaient portées, dit Dubreul, par des bourgeois du quartier, « tout nuds, en chemises expressément à ce faites, portant en leurs testes des chapeaux de fleurs ».
Deux ans après, en 1589, autre spectacle non moins impressionnant : Henri IV vint camper près de l'Abbaye, y livra bataille aux Parisiens qu’il mit en déroute, et, les poursuivant à travers la foire Saint-Germain et la rue de Bussy, réussit à pénétrer par là dans la ville, mais pour quelques heures seulement. Quelques années plus tard, installé dans sa capitale, le roi dut passer de nouveau bien souvent dans cette même rue de Bussy, mais en joyeuse compagnie, pour aller faire visite à la foire qu’il fréquentait volontiers.
Le siège de Paris par Henri IV devant la porte de Bussy. Gravure fantaisiste du XIXe. Doc. Christian Chevalier
La porte Dauphine
Nous avons vu que la porte de Bussy faisait face au carrefour de Buci, elle se trouvait précisément à l’extrémité ouest de notre rue Saint-André-des-Arts actuelle (d’ailleurs anciennement nommée de Bussy dans cette portion), elle était exactement à l’intersection de cette rue avec la rue Mazet. A l’autre extrémité de cette courte rue Mazet, et donc au bout de la nouvelle rue Dauphine (ordonnée par Henri VI et ouverte vers 1607), fut construite une nouvelle porte, la porte Dauphine (une plaque en rappelle encore l’existence et la localisation).
Plan de Vassalieu, publié en 1609, la rue Mazet, dénomination actuelle, est en rouge, la porte Dauphine n’y figure pas. Doc Sh6.
Nota : la rue Mazet fut d’abord nommée « Contrescarpe », cette appellation étant des plus curieuses car la rue était située à l’intérieur des murs et non pas au dehors sur la partie touchant au fossé, celle qu’on appelle habituellement « contrescarpe ».
Schéma de la terminologie architecturale d’une enceinte moyenâgeuse. Doc. Christian Chevalier.
La porte Dauphine, dont nous n’avons pratiquement pas d’illustration, mis à part sur quelques rares plans de l’époque, comme celui de Boisseau de 1654, fut démolie en 1673, ce qui permit à la rue Dauphine de rejoindre le carrefour de Bussy.
Plan de Boisseau, la porte Dauphine est surlignée en jaune. Doc Sh6.
Edifiée à l’époque où l’on commençait à démanteler la muraille, ce qui apparaît d’ailleurs bien sur le plan, la porte n’avait à l’évidence aucune vocation défensive, elle marquait simplement la limite des deux juridictions et cencives, celles de Paris et celles de Saint-Germain des prés.
Au commencement du XVIIe siècle, l’autre extrémité de la rue de Buci se transforma également. D’abord le pilori fut supprimé et la prison de l’Abbaye fut construite proche de son emplacement. Un peu plus tard, en 1621, pour remédier à l’insécurité du quartier, une barrière, munie d’un poste de vingt sergents armés, y fut établie.
Plan de la topographie historique du quartier, figurant les trois portes, le pilori et la prison de l’abbaye de Saint-Germain des Prés. Voir les anciens tracés et les tracés actuel des voies. Doc. Sh6 / Christian Chevalier.
La prison de l’abbaye Saint-Germain des Prés à la révolution. Gravure Sh6.
Le Démantèlement de l’enceinte de Philippe-Auguste
En 1652, l‘entrée de la rue de Bussy, fut transformée à son tour par la démolition des remparts de Philippe-Auguste. La porte seule, d’aspect monumental, fut conservée jusque vers 1672, époque à laquelle on se décida à la démolir aussi pour faciliter la circulation.
Par suite de cette opération, de vastes emplacements se trouvèrent disponibles et mis en vente tant par le domaine royal que par la Ville. Il s`ensuivit un long procès. Par une série de baux remontant à 1607 et 1608, renouvelés en 1632, 1633 et 1651 (10), un Sr Leblanc, maître charron, et après lui ses enfants, dont un fils huissier au Parlement, avaient été mis en possession de la superficie de la contrescarpe autour de la porte de Bussy et y avaient édifié plusieurs maisons. En 1632, ils avaient obtenu en outre la concession pour soixante-dix-neuf ans des fossés mêmes transformés en jardins, à charge d°entretenir un canal passant sous le pont dormant de la porte, pour l`écoulement des eaux pluviales et des immondices. En vertu de ces titres, les héritiers Leblanc s’opposèrent à la mise en vente des terrains dont ils étaient locataires. Leur prétention fut rejetée par arrêt du Conseil d’État du roi du 24 mars 1678, et une série de lots furent adjugés à des particuliers parmi lesquels figurèrent plusieurs des opposants eux-mêmes. En 1681, il était dû au roi par suite de ces adjudications une somme de 158.085 livres 13 sols 9 deniers (11).
Des constructions s’élevèrent bientôt à la place de la porte et prolongèrent sans discontinuité la rue venant de l'église Saint-André des Arts jusqu’à la nouvelle rue des Fossés-Saint-Germain (actuellement rue de l’Ancienne-Comédie). Dès lors, la rue de Bussy se trouva comprise, exactement comme on le voit sur les vieux plans de Paris, entre le carrefour formé par la rencontre des rues Saint-André-des-Arts, Dauphine, Mazarine et des Fossés-Saint-Germain, et l’autre carrefour existant alors devant la prison et la porte de l`Abbaye, auquel aboutissaient la rue des Boucheries, la rue Sainte-Marguerite, la rue du Four et entre elles, la grande entrée de la foire, voir le plan dit de Turgot ci-dessous.
Le plan dit de Turgot, de 1739.
En 1714, d`après Gomboust, on y comptait cinquante et une maisons qui devaient être éclairées la nuit par onze lanternes. C’étaient des maisons hautes de trois, quatre et cinq étages, pour la plupart étroites et profondes, n’ayant souvent qu’une ou deux fenêtres de façade. Elles n`étaient guère habitées que par de petits bourgeois, des commerçants, quelques artistes et de nombreux artisans. A l’origine, deux rues latérales accédaient à la rue de Bussy sans la traverser : c’était à gauche la rue des Mauvais-Garçons (actuelle Grégoire-de-Tours), et à droite la rue de Seine qui alors n’allait pas plus loin. En 1642, une troisième brèche y avait été faite par l`ouverture de la rue Bourbon-le-Château. Cette voie nouvelle créée pour donner à l’Abbaye une issue directe vers la Seine avait été établie sur un terrain cédé par François de Bourbon, abbé de Saint-Germain, qui lui avait donné son nom.
Un carrefour désormais en vue et convoité
En 1748 le carrefour et la rue de Bussy faillirent être appelés à de hautes destinées par des embellissements exceptionnels. Le Prévôt et les échevins de Paris avaient décidé d’ériger une statue équestre à louis XV le Bien-aimé en souvenir de sa guérison, sur une des places les plus fréquentées de la capitale. On projeta de choisir à cet effet le carrefour de Bussy, considéré comme le point le plus central des quartiers de la rive gauche, et d’en faire une belle place ronde entourée d’une élégante colonnade au milieu de laquelle aurait été placée la statue du roi. Mais ce projet entraînait des dépenses considérables parce qu'il nécessitait la démolition de plusieurs maisons. Un mémoire manuscrit daté de 1749 (12) observait qu’à cette époque, dans la rue de Bussy, la toise carrée de terrain bâti valait 1000 livres et qu’il faudrait en acquérir pour 25 millions environ si l'on voulait exécuter le plan projeté. On proposa alors de transporter la place sur le terrain de la foire Saint-Germain, mais il parut peu respectueux pour le roi de mettre sa statue au milieu des baraques foraines. En 1756, Poncet de la Grave, dans un livre sur les embellissements de Paris, projeta de nouveau la transformation du carrefour de Bussy par la démolition des quatre maisons d’encoignure à remplacer par des fontaines, au dessus desquelles auraient été de beaux balcons donnant sur la place qu'il proposait de nommer la Française. Enfin en 1760, il fut encore question de faire une grande place circulaire au bas de la rue de Tournon, un peu au dessus de la rue de Bussy avec laquelle elle aurait communiqué.
Aucun de ces projets ne fut exécuté. Il en reste la preuve qu’au milieu du XVIIIe siècle le carrefour et la rue de Bussy étaient le centre du Paris de la rive gauche et que les terrains y avaient déjà une valeur importante.
Nota : la statue équestre de Louis XV (œuvre de Bouchardon) fut finalement érigée place Louis XV, notre place de la Concorde.
La porte d'Enfer ou Saint-Michel
La porte d’Enfer ou porte Saint-Michel, bâtie vers l’an 1200, était l’une des portes majeures de l’enceinte de Philippe-Auguste, à savoir une des entrées principales des routes du sud.
Plan de Dulaure représentant Paris sous le règne de Philippe-Auguste. L’enceinte est en vert. Doc Sh6
Elle aurait d’abord porté les noms de « porte Gilbert », ensuite porte d’Enfer, faisant face à la rue du même nom. Le nom de porte Saint-Michel apparait vers la fin du XIVe siècle (origines controversées).
La porte Saint-Michel. Gravure fantaisiste du XIXe, par ailleurs abondamment réutilisée par les éditeurs pour illustrer parfois d’autres sites... Doc. Sh6.
Le plan topographique ci-après permet de situer son emplacement : elle donnait coté Paris sur la rue de la Harpe, rue par la suite recouverte dans sa partie sud par le Boulevard Saint-Michel. Selon plusieurs sources, parfois contradictoires, elle aurait été détruite en 1684, remplacée par l’ancienne place Saint-Michel.
Plan de la topographie historique du quartier, figurant l'enceinte et l'ancienne place Saint-Michel. Doc. Sh6 / Christian Chevalier.
En l’an 1860, on pouvait encore voir, en cours de destruction, la partie sud de l’enceinte qui l’avoisinait avec ses deux tours..
CCh
(1) Voici l’acte de donation rapporté par Dubreul. (Théâtre des Antiquités de Paris, 1712, p. 382) :
Philippus Dei gratia Francorum rex...Noverint universi praesentes pariter et futuri quod nos ad petitionern
dilecti et fidelis nostri Joannis Abbatis Sancti Germani, ecclesiœ Sancti Germani de Pratis, donavimus in perpetuum posternam murorum nostrorum Parisiensium quae est in via Sancti Germimi de Pratis, tenendam de nobis et heredibus nostrís, libere et quietè et absque ulla consuetudine. Ita tamen quod quando constructa fuerit, Abbas Sancti Germani debet cam totam de novo cooperire de merreno et tegula, et reparar quotiens opus fuerit, et tenere in tali statu quod non depereat... Anno 1209 ...
(2) Berty, Topographie historique. Bourg Saint-Germain(p. 37).
(3) A. Franklin, les Rues et les Cris de Paris au XIIIe siècle (p. 151)-
(4) Dubreul. (Théâtre des Antiquités de Paris).
(5) Lefeuve, les Anciennes Maisons.
(6) A. Franklin, les Anciens Plans de Paris (p. 37, n 15).
(7) Félibien, Histoire de Paris.
(8) Coll. pers.
(9) Dom Bouillart, Histoire de l'Abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
(10) Coll. pers.
(11) Arch. nat. Q1 1 126.
(12) Arch. de la Seine.