Couvent des Filles de la Miséricorde
On connaît la grande piété de la reine Anne d'Autriche, qui est à l'origine de la fondation de bien des monastères féminins ou qui a soutenu financièrement leur construction, tel celui des Bénédictines du Saint-Sacrement rue Cassette, à deux pas de là. Vers la fin des années 1640, elle a entendu parler des religieuses augustines de Notre-Dame de la Miséricorde, une communauté créée à Aix-en-Provence en 1637 par une dénommée Madeleine Martin qui en avait pris la direction sous le nom de Mère Madeleine de la Trinité. Elle suivait la règle de saint Augustin. Á une époque où l'usage était, pour les filles de bonne famille entrant dans les ordres, de verser une dot, elle souhaitait pouvoir accueillir celles dont les familles n'étaient pas assez fortunées pour accomplir ce rite. Anne d'Autriche souhaita encourager cette initiative et la fit venir à Paris en 1649 pour y ouvrir une antenne. Après s'être provisoirement installée dans une maison rue de Mézières, Mère Madeleine, grâce à la générosité royale, fit construire un monastère rue du Vieux-Colombier. Les plans de La Caille (1714), Turgot (1732), Jaillot (1775) ou Verniquet (1790) le représentent clairement. Il se situait le long de ce qui est devenu le côté pair de la rue et occupait une partie de l'espace entre l'actuelle rue Madame et la rue des Canettes (le tronçon central de la rue Bonaparte entre le boulevard Saint-Germain et la place Saint-Sulpice n'était pas encore percé).
Plan de Turgot, en rouge le couvent (doc. Christian Chevalier).
La dissolution des congrégations religieuses en 1790 disperse la communauté, dont les bâtiments deviennent « bien national » et connaissent différents habitants avant d'être vendus le 8 thermidor an IV (26 juillet 1796). Une des maisons ayant appartenu au monastère, à l'emplacement du n° 8 actuel (à l'époque n° 450), est acquise par Alexandre Roëttiers de Montaleau. Orfèvre, médailleur, directeur de la Monnaie de Paris de 1791 à 1797, c'est un franc-maçon convaincu, à l'origine de la création le 2 février 1793 de la loge Le Centre des Amis. Cette Loge s'y installe le 10 mars 1797. Un rapport de police du 26 frimaire an VII (16 décembre 1798) fait état d'un bal qui y fut organisé ce même jour pour fêter l'arrivée d'une nouvelle « sœur » ; on y a dénombré quatre vingt personnes, autant de femmes que d'hommes, parmi lesquels « presque tout l'état-major de la place, et beaucoup d'officiers de la Garde du Directoire ». On n'y aurait pas parlé de politique, ce dont on peut douter dans l'ambiance agitée du moment.
Invitation à réunion de la loge de la Vraie Réunion, au 450, rue du Vieux Colombier. Doc Sh6.
Lui succède en 1800 la loge de la Vraie Réunion, puis en 1802 le Grand Orient en fait son local. Il y accueille aussi d'autres loges : la Parfaite Réunion dès 1802, l'Amitié et les Amis éprouvés en 1804 ; l'Olympique de la Parfaite Estime, la Colombe, la Paix Immortelle, Saint-Alphonse des Amis Parfaits de la Vertu, Saint-Eugène, et l'Union (ci-devant Saint-Louis) en 1806 ; l'Impériale des Francs Chevaliers, et Caroline, en 1808.
Plan de Verniquet (doc. Christian Chevalier).
De nombreuses transformations affectèrent ce secteur dans la première moitié du 19ème siècle, jusqu'à ce que les travaux haussmanniens ne viennent tout raser de ce qui s'élevait le long du côté des numéros pairs de la rue du Vieux-Colombier. Il ne reste rien du monastère des Filles de Notre-Dame-de-la-Miséricorde.
JPD