Foire Saint-Germain : une renaissance en 1922 et 1923
À la fin de l’année 1917, après le décès de Félix Herbet, Louis Simon-Juquin (1869-1936) est élu à la mairie du VIe arrondissement. À l’égal de son prédécesseur il est président de la Société historique du VIe arrondissement.
À côté de Flers, sa ville natale, se tenait à Guibray une foire importante. La lecture de l’article de Fromageot, « La Foire Saint-Germain », paru en plusieurs épisodes dans notre Bulletin de 1901 et 1902, et « la découverte inopinée d'un vieux registre de la Foire l'incitent à ressusciter, dès 1922, l'ancienne foire de Saint-Germain-des-Prés disparue en 1790.
Avec l'aide de « quelques étudiants des Beaux-Arts qui brossent des toiles pour dissimuler la fontaine de Visconti et confectionnent de légers baraquements » (1), est alors improvisé un simulacre de foire qui, inaugurée le 12 mai 1922, reçoit la faveur du public.
Représentation idéalisée de la foire de 1922, carte postale. Coll. Sh6.
L’année suivante, le vendredi 4 mai 1923, à 2 heures, le ministre du Commerce, M. Dior, entouré des Présidents des Conseils municipal et général, des Préfets de la Seine et de Police, est reçu par la Municipalité du VIe arrondissement et le Comité des Fêtes, et inaugure la nouvelle Foire Saint-Germain : « Messieurs vous pouvez ouvrir vos loges » (2). Les personnes présentes signent sur le registre de la Foire, remontant au XVIIIe siècle, retrouvé et acquis par l’actif maire.
Se qualifiant de « premier confident » de Simon-Juquin et même d’instigateur de l’idée de cette renaissance, le journal L’Intransigeant (3) rappelle le lancement encore « timide » de l’an passé et mesure l’effort accompli cette année, avec un capital cette fois multiplié par trente.
Grâce au succès acquis, de notables progrès dans la présentation ont été faits cette année. Le décor, excellent cette fois et donnant l’illusion d’une réalité moyenâgeuse, est dû à la collaboration, pour les maquettes, de MM. Cirée et Lechevallier-Chevignard, architectes, de M. Peltier, peintre-décorateur.
Le « donjon », L’Écho de Paris du 5 mai 1923. Coll. Sh6. Visite du cardinal Dubois,Le Journal du 4 mai 1923. Coll. Sh6.
Un imposant donjon de château médiéval en carton peint surplombe et masque la fontaine Visconti et ses quatre évêques, ce dont le cardinal Dubois, « tout de pourpre vêtu » (4), venu en visiteur « constater cette éclipse », aurait été « le premier à sourire »,toujours aux dires de L’Intransigeant (5).
Représentation de la maquette du décor de la foire Saint-Germain. L’Intransigeant, 18 avril 1923. Coll. Sh6.
L’exécution du décor a été confiée à M. Léon Brabant. Au rez-de-chaussée d’un amas pittoresque de tours et de vieux logis s’élevant comme l’année précédente au centre de la place, s’ouvrent des boutiques occupées en majeure partie par des antiquaires et des libraires dont les vendeurs et les vendeuses se sont, pour la circonstance, parés de costumes d’autrefois. L’étalage d’un groupement de libraires avec ses vendeuses en pures toilettes Louis XIII donne un instant l’illusion d’une estampe vécue d’Abraham Bosse : La galerie du Palais.
Le Petit Journal illustré, mai 1923. Coll. Sh6.
Plus de cent loges présentent alors « des bibelots précieux, des estampes, dentelles, des reliures rares » (6). Les exposants sont en costumes du quinzième siècle, et des chanteurs, des illusionnistes, des acrobates et des acteurs de théâtres se produisent quotidiennement : le premier jour la troupe de l’Odéon y joue Le Maître de chapelle de Paer et en soirée Le joli rôle.
Retrouvez les articles de journaux, photographies, programmes des activités de cette foire, soirées de gala, représentations, visites, inaugurations, dans notre rubriques « Autres documents d’archives ». Voir la page >.
Quant au Cercle de la Librairie, c’est un véritable hall qu’il installe et l’on peut y feuilleter l’ensemble des publications de l’année. Dans la mairie même, une salle est aménagée en vue de l’exposition de manuscrits, de livres rares et d’éditions de bibliophiles données par des éditeurs contemporains, notamment les libraires Helleu et Bosse. On y voit aussi de belles reliures signées de Canape, Gruel, Blanchetière, David, Eug. Aumaître, des gravures et des dessins de l’ancien Paris dus au merveilleux Charles Jonas.
Parmi les amateurs ayant contribué par leurs prêts au succès de la partie rétrospective, nommons le vicomte de Montlivault, MM. H. Lenseigne, Oulmann, Ch. Miguet.
La Foire Saint-Germain est clôturée, après prolongation, le 21 mai.
Le nombre des entrées fut de 136734 et le montant de la recette de 275763 francs, qui, selon L’Écho de Paris(7), a dû être partagée entreles œuvres du VIe arrondissement notamment la Société historique (8), « le prêt d’honneur aux étudiants, les Laboratoires scientifiques et les Poilus de la Ruhr » (7).
La foire perdura une petite dizaine d’années sous le décorum d’une cité moyenâgeuse.
Programmes de la Foire Saint-Germain de 1925 et 1931. Coll. Sh6.
La Société historique du VIe arrondissement conserve une série de 14 photographies inédites de la foire de 1923, dont les plus marquantes sont présentées ci-après.
Scène de théâtre au pied du « donjon ». Coll. Sh6
Trois représentations (1/3). Coll. Sh6.
Trois représentations (2/3). Coll. Sh6.
Trois représentations (3/3). Coll. Sh6.
La taverne en costumes « d’autrefois ». Coll. Sh6.
Les boutiques de la foire. « C’est tout un aimable village ancien qui s’est dressé sur la place Saint-Sulpice, un village avec des rues qui s’enchevêtrent sous des portes monumentales » (5). Coll. Sh6.
Les boutiques de la foire (suite). Coll. Sh6.
Les boutiques de la foire (suite). Coll. Sh6.
Les boutiques de la foire (suite). Coll. Sh6.
« Regardez ce puits : la margelle est vraiment en pierre et la ferronnerie qui le surmonte est une petite merveille » (5). Coll. Sh6.
Une visite officielle (les personnages n’ont pas été identifiés). Coll. Sh6.
Cet article s’inspire directement du « Bulletin du Centenaire » 1998 et du Bulletin 1922
C.C.
(1) D’après le Bulletin du Centenaire, 1998.
(2) L’Écho de Paris, 5 mai 1923.
(3) L’Intransigeant, 18 avril 1923.
(4) Le Journal, 4 mai 1923.
(5) L’Intransigeant, 5 mai 1923.
(6) L’Intransigeant, 18 avril 1923.
(7) L’Écho de Paris, 17 avril 1923.
(8) Bulletin du Centenaire, 1998, p. 23.