Saint-Germain-des-Prés les pieds dans l’eau (1)
Baptiste Essevaz-Roulet et Christian Chevalier.
Cet article reproduit intégralement l’article diffusé dans le bulletin de la Société historique du 6eme, no 23, année 2010.
PREMIERE PARTIE, TEXTE ET ILLUSTRATIONS
En janvier 1910, une crue d’ampleur exceptionnelle affecte le bassin de la Seine. Après des pluies persistantes sur l’ensemble du bassin versant de la Seine, tombant sur un sol gelé ou saturé, les différentes pointes de crues arrivent simultanément sur Paris. Le 28 janvier, l’eau atteint son niveau maximum de 8,62 m au pont d’Austerlitz contre 2,50 m en moyenne (2). Parmi celles référencées, seule la crue de 1658 l’avait surpassée avec une cote de 8,96 m. La décrue s’amorce dès le 29 janvier, laissant à Paris des rues boueuses, des chaussées défoncées et une population interloquée. La crue n’est complètement résorbée que début mars et il faudra plusieurs mois pour remettre en route toutes les activités. On ne relève pas de cas de panique ni d’accident grave dans le 6e arrondissement, mais plutôt une inquiétude sourde teintée d’humour. L’inondation marque durablement les esprits au point qu’un siècle plus tard, on célèbre encore son souvenir. Elle a en effet touché directement la Capitale et ce, à une époque où la photographie et la carte postale, en plein essor, ont « médiatisé » la crue plus sûrement que les journaux.
Raconter l’avènement de cette catastrophe naturelle et ses conséquences dans le 6e arrondissement est à la fois difficile, frustrant et nécessaire. Difficile car la crue ne s’est pas limitée aux quartiers de Saint-Germain-des-Prés et de la Monnaie : elle a touché la ville dans son ensemble, l’agglomération en général et plusieurs départements. Elle est, de plus, ponctuelle dans le temps et n’a eu que peu de conséquences d’ordre historique. La frustration provient de ce que de nombreuses histoires ne peuvent être développées car elles ne se déroulent pas spécifiquement dans le 6e. Nous n’aborderons donc pas les sujets qui touchent plus à la ville qu’à l’arrondissement. Nécessaire enfin car cette focalisation sur l’histoire locale permet d’éviter les généralités qui mettent une trop grande distance avec les événements, mais aussi les redites, puisque la littérature générale sur le thème est déjà abondante. La restriction au 6e arrondissement nous incite à nous concentrer sur des détails et des petites histoires qui finalement contribuent à restituer l’atmosphère qui régnait sur Paris tout entier.
Figure 1 : Le procureur Louis Dagoury photographié rue Visconti le 30 janvier 1910 (cliché inédit, coll. Baptiste Essevaz-Roulet). Au dos d’une carte postale de la même rue il est écrit : « 22 février 1910. Voici mes bons amis, un souvenir des jours passés dans le Canal Visconti. L’échelle que vous voyez est celle par laquelle je devais descendre pour aller aux provisions et aux nouvelles. Nous avons le gaz… enfin depuis vendredi soir. Toujours de l’eau… et du vin à la cave. Nous avons été grippés tous les deux. Il pleut toujours à Paris » (Coll. B. Blanchet de Puthod).
La crue au jour le jour dans le 6e
La crue de la Seine est perceptible à Paris dès le jeudi 20 janvier et attire déjà les curieux. Le lendemain, l’inquiétude remplace la curiosité : les eaux montent de 8 cm par heure (3). Alors que le froid et la neige s’installent, « la foule dense assiège les parapets des quais. On s’arrache les journaux… On compte les marches libres des escaliers de pierre donnant accès aux berges inondées. De l’angle du pont des Saints-Pères, les badauds constatent avec stupeur que le fleuve, démesurément grossi, affleure presque les entablements du tunnel reliant la gare d’Orsay à la gare d’Orléans… » (4).
Le lundi 24 janvier, les Parisiens prennent conscience que l’inondation n’est pas ordinaire : « La Seine commence à charrier des déchets arrachés plus en amont. On la voit, verdâtre, rouler tumultueusement des poutres, des tonneaux, des débris informes, des cahutes encore enguirlandées de lierre… »(5). Les badauds s’amassent et commentent ; « Ca fait cinéma ! », dit un élève de l’Ecole des Beaux-arts (6). Les caves de la rue de Seine sont envahies le 25 janvier et le 26, vers une heure de l’après-midi, l’eau apparaît sur la chaussée dans la partie haute de la rue et se répand très vite dans la rue des Beaux-arts, la rue Visconti, la rue Jacob… À la fin de la journée, rue de Seine, on doit naviguer en barque par un mètre de fond (7).
Le 26 janvier, le conservateur du musée Carnavalet, Georges Cain, raconte ce qu’il voit depuis son balcon du quai Voltaire : « Le fleuve charrie des forêts de poutres blanches, des tonneaux, des cadavres de pauvres chiens qui passent rapidement, les quatre pattes en l’air, tout roides. L’eau est jaune et sale, de grands remous moirés se forment à l’avant des bateaux amarrés et des pontons d’embarquement... » (8). La rue Gît-le-Cœur est envahie par l’eau le 27 janvier à neuf heures et demie, attirant la foule des curieux. Un peu plus tôt, le quai des Grands-Augustins est barré. On craint que la voûte du chemin de fer d’Orléans ne s’écroule. Rue de Seine, l’eau recouvre désormais le trottoir jusque devant le numéro 31. Le service de la voirie procède à l’installation de passerelles en bois. Sous le pont des Saints-Pères, des poutres charriées s’accumulent risquant de former bientôt un barrage (9). Quai Conti, un arbre dont les racines plongent dans des terres diluées par l’eau, s’incline soudainement, menaçant de s’abattre. On l’étaye et la circulation est interdite à cet endroit. Le pont des Arts, interdit à la circulation, est tout blanc de neige (10).
Dans l’après-midi du 27, plusieurs maisons sont évacuées et de nombreux habitants de la rue Visconti et de la rue de Seine sont déplacés à l’aide de barques et de tombereaux. Rue Saint-Benoît, la chaussée se boursouffle sous la pression de l’égout et finit par crever et la rue est inondée d’une eau jaunâtre en quelques instants (11).
Le 28 janvier, « le quartier Saint-Germain-des-Prés est devenu une presqu’île » selon Le Gaulois (12). L’Institut est cerné par les eaux. Il est inondé vers 10 h du matin, à la fois par le quai Conti, le quai Malaquais, la rue de Seine et la rue Mazarine. Ses trois cours se transforment, en moins d’une heure, en un vaste bassin d’une profondeur d’un mètre cinquante. On appelle du secours. Arrivés d’urgence à Paris dans la matinée, ce sont les marins de Rochefort qui sont envoyés à l’Institut de France avec leurs canots (13). Le Journal des Débats raconte : « Et l’on navigue dans ces cours paisibles. Quelques immortels héroïques prirent néanmoins séances, amenés, qui en bateau, qui à dos d’homme, cependant que le secrétariat plein d’eau, n’offrait aux académiciens que le précaire adjuvant d’une vaine passerelle, trop peu solennelle au regard des bustes amusés et stupéfaits » (14).
A la Monnaie, le 28 janvier, les eaux remontent des caves dans les cours, rencontrant celles qui s’y déversaient depuis le quai. On compte un mètre de hauteur d’eau partout. Tous les ateliers sont envahis, toutes les machines submergées. Le travail est interrompu et les ouvriers, contremaîtres et directeur ne peuvent circuler que sur des bachots et des passerelles hâtivement construites. Le Figaro ajoute : « Les lingots d’or, d’argent et de bronze qui allaient être frappés ces jours-ci en monnaie, en médailles sont baignés dans leurs dépôts par le flot tranquille » (15). Quai des Grands-Augustins et rue de Seine, l’eau atteint un mètre cinquante de hauteur en certains endroits (16). Deux ouvriers habitant la rue Gît-le-Cœur doivent marcher dans l’eau jusqu’à mi-jambe, pour transporter femmes et enfants (17). Dans la rue de Seine vers le sud, l’eau n’est plus qu’à 20 m de la rue de Buci. Au pied de la statue de Danton, à la station Odéon, les passants peuvent apercevoir l’eau qui atteint la grille de fermeture de la station (18).
Le samedi 29 janvier à 0 h, la crue atteint son maximum, 8,50 m au pont de la Tournelle, et la décrue s’amorce. A 8 h du matin, elle a déjà baissé de 15 cm (19).
Figure 2 : Au pont Saint-Michel. Coll. Baptiste Essevaz-Roulet.
Le 30 janvier, l’eau continue à baisser, découvrant l’arche centrale du pont Saint-Michel alors que l’eau affleure encore la clé de voûte des deux autres (20). Les eaux se retirent du quai Conti, du quai Malaquais. Elles diminuent quai des Grands-Augustins, rue Jacob, rue Saint-André-des-Arts (21). La rue Bonaparte, la rue des Saints-Pères et la rue Visconti sont rendues à la circulation des piétons (22). Début février, seuls le quai des Grands-Augustins et la rue de Seine restent barrés aux voitures pour permettre la réfection des chaussées. Les rues du quartier de la Monnaie sont encore privées de gaz (23). Au total, dans le 6e arrondissement, 25 rues et près de 1 200 immeubles ont été atteints, que ce soit en surface ou en sous-sol (24).
Immeubles atteints en surface ou en sous-sol par la crue de 1910 dans le 6e arrondissement.
Les ponts du 6e à l’épreuve de la crue
En temps ordinaire, le débit de la Seine est d’environ 370 mètres cubes par seconde. Le 24 janvier 1910, il atteint 2 000 m3/s et 2 400 m3/s le 27 janvier (26). La quantité d’eau transitant dans Paris a donc été multipliée par un facteur 6 à 7. Le lit de la Seine n’y suffisant plus, l’eau a débordé et inondé la Capitale. Au plus fort de la crue, l’eau monte au point d’obstruer entièrement les arches de certains ponts. Dès le mercredi 26 janvier, les observateurs constatent que la Seine « affleure au pont Saint-Michel » (27). Deux jours plus tard, « L’eau paraît avoir atteint le niveau même du pont des Saints-Pères, dont le tablier semble poser directement sur la Seine… » (28). L’actuel pont du Carrousel a remplacé le pont des Saints-Pères en 1935. En 1910, c’est donc encore le pont à structure métallique construit en 1833-34 par l’ingénieur Polonceau. Sa fragilité structurelle était déjà l’objet d’inquiétudes récurrentes de la part des ingénieurs. Pendant la crue, les ingénieurs redoutent les éventuels chocs avec des épaves à la dérive. A cet endroit en effet, les eaux se concentrent et s’accélèrent après avoir été séparées par l’île de la Cité (29). « Des poutres, des pièces de bois heurtent, à grands coups sourds les longues fermes métalliques, et le font tout entier résonner, au choc de ces dangereux béliers » (30). Le 28 janvier à 4 h, la décision est prise : « le pont des Saints-Pères est fermé, on ne passe plus. » (31). Des mariniers procèdent alors, à l’aide de harpons, au repêchage de débris de toute nature – tonneaux, madriers, meubles démolis- qui s’accumulent contre l’armature du pont (32).
Le pont des Arts a une structure plus légère encore que celle du pont des Saints-Pères. La circulation y est ainsi « temporairement suspendue » à partir du 25 janvier, résultant d’ordres de police dictés par des considérations de prudence. « Le pont des Arts est condamné, on ne passe plus… Un agent veille, roulé dans son caban, derrière des cordes tendues… » Ainsi, le 29 janvier, entre la place Saint-Michel et la place de la Concorde, les Parisiens ne peuvent traverser la Seine que par le pont Royal et le vieux pont Neuf. De plus, le pont de la Concorde n’est ouvert qu’à la circulation locale (33). Les deux seuls ponts assurant les communications avec la rive droite sont donc deux des plus anciens ponts de Paris… « Le progrès ne serait-il qu’un vain mot ? » s’interroge Georges Cain (34). En dépit des craintes des ingénieurs, le rapport Picard sur les inondations de 1910 conclura que « les ponts de Paris ont, sans exception, subi victorieusement l’épreuve de la crue récente » (35). La crue oblige cependant les ingénieurs de l’administration parisienne à revoir leurs standards en matière de construction et à hâter les travaux de modification du bassin fluvial, notamment la suppression de l’écluse de la Monnaie.
Propagation souterraine de la crue
Lors de la dernière crue centennale en 1802, l’ampleur du réseau de collecteurs d’égout était sans commune mesure avec celui de 1910 et le réseau métropolitain n’existait pas. En 1910, les divers réseaux de conduites souterraines, dont le métro, en cours de construction, facilitent le transit de l’eau dans des proportions parfois spectaculaires
Figure 3 : Locomotive bloquée à Saint-Michel. Coll. Christian Chevalier
La ligne d’Orsay, actuelle ligne C du RER, passe sous les quais de la rive gauche. Le samedi 22 janvier 1910, l’eau envahit la station Saint-Michel, noie les rails électriques et oblige la compagnie d’Orléans à interrompre le trafic entre la gare d’Austerlitz et la gare d’Orsay (36). Le tunnel finit par se remplir complètement. L’eau s’écoule alors sans entrave, plus facilement qu’en surface, comme par une véritable dérivation du fleuve. Un témoin direct situé sur les quais raconte : « Le tunnel du chemin de fer d’Orsay passe sous nos pieds, l’on entend distinctement l’eau couler en trombe » (37). Il se forme un puissant effet de siphon entre l’amont et l’aval. Dans le tunnel, la pression de l’eau est telle qu’un véritable geyser se forme au niveau de la station Solferino.
On en vient à craindre que la voûte située sous le quai des Grands-Augustins ne cède à la pression et ne se soulève. Le journal Le Temps rapporte que « la chaussée, gonflée par la poussée souterraine de l’eau, commence à s’ouvrir en plusieurs endroits et l’onde jaillit en gerbes vives » (38). Les services techniques tentent alors une manœuvre désespérée en surchargeant la voûte par l’extérieur en déposant des tas de pavés sur la chaussée de façon à charger les points les plus faibles (39). Finalement, « les dégâts se sont bornés à quelques fissures partielles, mais les infiltrations ont été nombreuses et le quai tout entier a été durement éprouvé » (40).
Tout aussi spectaculaire est le cas de l’actuelle ligne 12 du métro, alors appelée ligne Nord-Sud et dont le chantier venait de s’achever. « Dès le 27 [janvier], les eaux filtrèrent à travers la partie haute du barrage de la rue du Bac et s’étendirent bientôt jusqu’au-delà de la station de la rue de Sèvres » (41). Mais c’est vers le nord que la ligne 12 provoque le plus de dégâts. Le chemin de fer Nord-Sud, dont le gros œuvre venait d’être achevé, « a conduit jusqu’aux abords de la gare saint-Lazare les eaux qui avaient noyé sur la rive gauche les abords de la gare du quai d’Orsay. Par-dessous la Seine et le quartier de la Madeleine, il a fonctionné comme un siphon reliant le boulevard Saint-Germain à la rue de Rome » (42), située sur l’ancien bras mort du fleuve.
Le réseau de chemin de fer métropolitain ne comprenait à l’époque que six lignes. Dans le 6e, seule la ligne 4 porte d’Orléans-Porte de Clignancourt est alors exploitée commercialement. Le 22 janvier 1910, « les infiltrations sont insignifiantes entre Saint-Michel et Châtelet où les trains circulent en toute sécurité » (43) Mais le 25 janvier, la ligne 4 est coupée de Denfert-Rochereau jusqu’à Barbès-Rochechouart (44) : l’eau a envahi le tunnel par la station Chatelet. La ligne est inondée sous la rue de Rennes jusqu’au carrefour Vaugirard (45) ! C’est le réseau métropolitain tout entier qui est réduit à sa plus simple expression.
Figure 4 : Des rames bien inhabituelles au métro Odéon, Coll. Baptiste Essevaz-Roulet.
Inondations de surface
La carte dressée par les ingénieurs et publiée notamment par la Commission du Vieux Paris montre de façon détaillée les zones affectées par la crue. Paris est diversement touché. Hormis les quartiers de Bercy et gare de Lyon, la rive droite n’est quasiment pas concernée par les inondations de surface. La rive gauche, en revanche, est atteinte presqu’uniformément, parfois jusqu’à un kilomètre du fleuve. Comment expliquer ces différences ?
Les géographes savent que l’errance apparente des méandres d’un fleuve influe sur le relief de façon immuable : les rives convexes sont toujours déprimées, des marais s’y installent et le fleuve y déborde régulièrement. Ainsi s’est donc façonné le relief de Paris. Le plan de la crue de 1910 révèle bien cet héritage. Les quartiers Saint-Germain-des-Prés et Monnaie se trouvent précisément sur la rive convexe, la plus basse du fleuve, et sont donc frappés de plein fouet par la crue. Les terres du 6e arrondissement bordant la Seine sont globalement en pente douce jusqu’au fleuve. Dans le nord du 6e, le long de la Seine, on distingue trois zones différemment affectées par la crue. Les terres comprises entre l’église Saint-Germain-des-Prés et la Seine sont presque toutes inondées, ainsi que celles comprises entre la rue Saint-André-des-Arts et le fleuve. À l’inverse, le triangle formé par les rues Dauphine, Mazarine et Guénégaud est resté à sec en surface.
Entre l’église Saint-Germain-des-Prés et la Seine, le relief actuel n’a plus grand-chose de naturel. Avant 1540, les terres y étaient régulièrement inondées à l’occasion des crues hivernales habituelles. L’église Saint-Germain-des-Prés, bâtie sur un monceau alluvionnaire (46), marque la limite sud des terres inondables. Le sol est exhaussé d’environ 5 m au XVIe siècle pour pouvoir lotir les terrains et construire (47). A l’inverse, le « mamelon » de Saint-Germain-des-Prés a été progressivement arasé par différentes opérations de voirie au XIXe siècle (48).
L’axe rue Dauphine-Pont-Neuf, quant à lui, n’a pas été immergé. Le sol y est plus élevé qu’alentour, sans doute en raison d’une ondulation naturelle du relief (49). À l’est de la rue Dauphine, enfin, le sol actuel de la place Saint-André-des-Arts est à une altitude de 35 m alors que le sol ancien est à 30 m (50). L’élévation du niveau du sol à cet endroit est plus probablement liée à l’activité humaine sur plusieurs siècles (51).
Figure 5 : L’inondation dans le 6e arrondissement : en bleu, l’inondation de surface ; en rose, l’inondation des caves. Schéma : Baptiste Essevaz-Roulet.
Les rues les plus touchées par la crue sont les rue de Seine, rue Jacob, rue Saint-André-des-Arts et le quai des Grands-Augustins. Le croisement Jacob-Bonaparte, le bas de la rue de Seine et l’est du quai des Grands-Augustins sont les plus profondément immergés avec 1,50 m d’eau au maximum. La situation la plus critique est celle de l’îlot compris entre les rues Séguier et Gît-le-Cœur, complètement cerné par les eaux rendant périlleux tout sauvetage, déménagement ou ravitaillement (52).
Les rues et quais du 6e arrondissement se hérissent progressivement de constructions provisoires destinées à limiter l’extension de la crue. On monte des barrages de fortune à base de sacs de sable et de pavés de grès. Sur certaines chaussées, on dispose des sortes de « cheminées » construites à la hâte sur une foule de points pour empêcher que les bouches d’incendie, les ouvertures de canalisations souterraines, ne soient noyées ou au contraire pour retarder la sortie de leurs eaux (53).
Sur certains axes du 6e, des pavés de bois flottent à la surface de l’eau. Le pavage en bois, comme l’utilisation du bitume, date du milieu du XIXe siècle. Il est destiné à remédier aux inconvénients des pavés de grès. Ceux-ci rendent en effet la circulation des voitures pénible et la tracte de charges lourdes plus difficile. Le bois avait l'avantage de diminuer le bruit, la boue et la poussière. Le système tend à se généraliser au tout début du XXe siècle où la moitié des chaussées des axes du centre de Paris est ainsi pavée. Mais lors de l’inondation de 1910, les pavés, sous l’effet de l’eau, se déchaussent et se mettent à flotter. On finira dans les années 1930 par abandonner la technique, finalement jugée dispendieuse et dangereuse pour les chevaux en cas de pluie.
Figure 6 : Pavés de bois rue Bonaparte, au niveau du quai Malaquais. Cliché inédit de Paul Gers, Conservatoire régional de l’image de Lorraine (54).
Observateurs et témoins de la crue dans le 6e
Le spectacle de ces rues inondées semble d’abord avoir inspiré les hommes de plume. Ainsi Henri Lavedan : « Au carrefour de Buci, j’ai le temps d’apercevoir, en un éloigné diorama, la rue de Seine envahie, la rue Saint-Andé-des-Arts gagnée par un mètre d’eau et dont tous les anciens hôtels du temps de Louis XIV et Louis XV prennent ainsi (…) un incroyable aspect de dignité sévère. On dirait un Versailles vénitien » . Le Pont-Neuf « parait si tranquille, si confiant (…) tellement l’air de gouailler tendrement : "tenez ferme, amis, j’en ai vu couler bien d’autres !" » (5)
A l’école des Beaux-arts, rue Bonaparte, un lac s’est formé dans la cour d’honneur. Dans l’ancienne chapelle, les statues et les bustes du musée de la Renaissance se reflètent dans le miroir d’une eau calme (57). Henri Lavedan poursuit sa description : « À l’extrémité d’une galerie, une jeune fille, chaste déesse demi nue, qui semble sortir du bain, élève une palme en bronze d’automne vers le buste d’un héro… Nous sommes dans la cour du Mûrier, à l’École des beaux-arts. On ne peut y accéder qu’au moyen de planches jetées en travers de supports de tables d’architectes à environ un mètre au-dessus du flot. Sur ce branlant chemin de fortune qui contourne tous les murs, nous nous suivons tous en file indienne (…) et chaque pas nous arrache un cri d’étonnement et d’admiration. La double cour d’honneur, transformée en lac au milieu de laquelle se dressent, dans la première partie, la colonne de marbre rose, et, dans la seconde, la grande vasque de Saint-Denis, déroule un incroyable décor qui réclame une gondole débordante d’étoffes et de musiciens. (…) Le coup de grâce nous est donné par la chapelle. Du dallage des eaux blondies par la pâle lumière émerge un peuple de statues, le Persée, le Mercure, et des amours, des dieux et des déesses… (…) Debout au milieu du puits d’eau carré, les grâces nues de Jean Goujon semblent sourire et, si près l’une de l’autre, se concerter toutes les trois pour descendre de leur piédestal et nager de front (…). Et tout au bout alors, (…), le Jugement Dernier de la Sixtine précipite et fait dégringoler du haut de la voûte ses grappes de Damnés qui paraissent tomber effectivement, réfléchies par leur froid miroir, dans l’onde impassible des Enfers. Et ce décor dantesque est d’une si géniale beauté que nous ne pouvons nous en arracher » (58).
Figure 7 : barque rue Visconti. Coll. Baptiste Essevaz-Roulet
Georges Cain, pour sa part, s’enthousiasme pour la rue Visconti : « Un canal à Venise dans la Giudecca, un chemin d’eau à Rotterdam, telle nous paraît la rue Visconti complètement inondée. Les habitants doivent s’y servir d’une échelle pour rentrer chez eux par les fenêtres du premier étage ! Des barques circulent dans la ruelle sombre où vécurent Jean Racine, Adrienne Lecouvreur, et notre immortel Balzac. Montés sur des amas de planches, nous ne nous lassons pas de regarder cette sente étroite où le ciel vient se mirer dans l’eau. C’est sans conteste un des plus inattendus aspects de Paris inondé… » (59).
Les riverains s’organisent face à la crue
La circulation des personnes dans les rues inondées est particulièrement difficile. Le Journal des Débats résume : « On ne saura jamais jusqu’où est allée l’ingéniosité en matière de construction de radeaux par exemple, passerelles assises sur les supports les plus variés, chevalets, tréteaux, barriques, caisses, voitures, etc. On utilisa tout cela pour gagner la rue ou rejoindre son escalier en franchissant les cours submergées » (60). Le Petit Parisien décrit une scène vue dans le quartier : « C’est ainsi que l’on voit un monsieur fort grave, dont la boutonnière s’orne d’un ruban rouge, s’en aller faire ses provisions juché sur des échasses » (61). L’eau est tellement montée dans certaines rues que l’on ne parle plus d’évacuation mais de sauvetage, notamment aux 35 et 37, rue de Seine où il a fallu percer le mur mitoyen pour évacuer les habitants par la rue Mazarine (62).
Figure 8 : Transport improvisé de personnes, rue Séguier. Coll Baptiste Essevaz-Roulet.
L’eau envahit les logements en rez-de-chaussée, notamment les loges de concierge. Celle du 3, rue Visconti, est « très éprouvée par l’eau » et doit être remise à neuf sous peine de séquestre des loyers, menace, après la crue, la commission d’hygiène du 6e arrondissement (63). Les commerces ont beaucoup souffert : toutes les boutiques atteintes par l’eau tirent le rideau. A titre d’illustration, nous avons pu reconstituer les péripéties de la « boucherie Bonaparte » (64). Elle était située au 34, rue Jacob, à l’angle nord-ouest du carrefour Bonaparte-Jacob. En 1910, le commerce est sévèrement inondé. Son gérant, M. Pavy (65), doit fermer. Or, les commerces de bouche sont particulièrement sollicités pendant la crue, il n’est pas question pour lui de rester les bras croisés.
Figure 9 : La boucherie Bonaparte inondée. Coll. Baptiste Essevaz-Roulet.
Figure 10 : Le personnel de la boucherie Bonaparte pose devant la galerie Heibel investie. On distingue l’annonce de vente de choucroute et des saucissons à travers la vitrine. Coll. Christian Chevalier.
Il transfère alors son activité à quelques numéros de là, au 29, rue Bonaparte, chez Heibel un marchand de « peintures et vitreries » (66). Il le fait savoir en posant un calicot en travers de la rue Bonaparte que l’on voit sur plusieurs clichés d’époque (67).
La situation fait sourire : « La boucherie chez le marchand d’estampes » (68), s’amuse-t-on. Le Petit Parisien enfonce le clou : « C’est ainsi qu’au 29, rue Bonaparte, on peut voir un boucher qui occupe une partie du magasin d’un marchand d’estampe, une moitié de la vitrine est réservée aux gigots, l’autre moitié aux affiches d’art. Inutile de dire que notre boucher est l’objet des plaisanteries toutes indiquées de ses clients » (69). On imagine des bons mots comme « c’est de l’art ou du cochon ? »… Notons qu’en face de la boucherie, au 32, rue Jacob où est Ladurée aujourd’hui, plusieurs commerces font également les frais de l’inondation : le papetier Walhin, le marchand de couleurs et vernis Azy, et surtout le restaurant tenu par Masson.
Inondation des caves
Le quartier est également atteint par l’envahissement des caves par infiltration ou remontée de la nappe phréatique. De ce point de vue, l’ampleur de la crue de 1910 est beaucoup plus impressionnante que le débordement du fleuve puisque les caves des immeubles situés jusqu’à la place Saint-Sulpice sont atteintes (voir Figure 5). La totalité des immeubles entre le boulevard Saint-Germain et la Seine sont concernés, à l’exception de l’actuelle église Ukrainienne rue des Saints-Pères. L’ancien séminaire Saint-Sulpice (actuel hôtel des impôts), sur la place éponyme, est l’édifice du 6e le plus méridional à voir ses caves inondées.
Bien que peu spectaculaire, l’inondation des caves cause de gros dégâts et met du temps à se résorber. La correspondance par carte postale en témoigne avec humour : « dans notre maison, il n’y a que les caves inondées, mais comme nous avons été prévenus, nous avons pu sauver 2 vieilles bouteilles qui nous restait [sic] du temps de notre opulence » écrit-on depuis la rue Hautefeuille ; ou encore « nous ne sommes pas noyés sauf notre cidre qui doit se promener dans notre cave » écrit encore un habitant de la rue Bonaparte à M. et Mme Mouillefarine. On se souvient encore aujourd’hui de la déstabilisation des fondations et du sol du 1er étage du 14, rue Visconti suite à une vidange trop rapide des caves inondées, en raison de la différence de pression entre le sol encore gorgé d’eau et la cave (70).
La commission d’hygiène du 6e se réunit dès le 5 février 1910 pour mettre au point un programme de « désinfection des matières et objets divers généralement déposés dans les caves (…) par badigeonnage ou par pulvérisation humide » de gaz désinfectants (brûlage de paille humide, de soufre…) (71). La commission s’assigne la fastidieuse tâche de visiter tous les immeubles des 25 rues de l’arrondissement atteintes par l’inondation des caves. Pour ceux qui n’ont pas les moyens de se payer des pompes mécaniques, la décrue est très lente. Le 31 mars 1910, la commission d’hygiène du 6e arrondissement constate ainsi que les eaux dans les caves du 15, rue Visconti ne se sont pas encore complètement retirées (72). En mai 1910, la commission déplore encore que certaines caves n’ont pas été désinfectées, notamment celles du 3, rue Visconti (73).
Des réactions entre désespoir et amusement
La vie pendant les quelques jours qu’a duré l’inondation est relativement pénible pour les sinistrés du 6e arrondissement. L’humidité, le froid, l’absence de lumière le soir, la difficulté de s’approvisionner, pèsent sur le quotidien. Georges Cain décrit l’ambiance, alors que le pic de la crue n’est pas encore atteint : « On piétine dans la boue gluante au milieu de la chaussée ; des pompes grinçantes vident les caves de l’Officiel [quai Voltaire] et crachent sur les passants des nuages de fumée… On commence à prendre peur… Une affreuse odeur de gaz empuantit les environs, les éboulements ont crevé des conduites, l’on ne sait où trouver les fuites… » (74). En plus des odeurs de gaz, l’air est chargé des émanations putrides des égouts qui ne peuvent plus s’évacuer ou dont les canalisations ont rompu. Dès le 22 janvier d’ailleurs, la Préfecture recommande de faire bouillir l’eau de la ville qui est « opaline et légèrement trouble » (75) selon ses termes.
Les sinistrés doivent aussi s’habituer à vivre sans le confort « moderne » : « Qu’ils sont durs à gravir les cinq étages que l’ascenseur avalait si rapidement… A chaque palier, dans l’angle, des bougies et des flambeaux de cuivre… et le soir, on fait cercle autour de la lampe inutilisée depuis longtemps et qui sent le pétrole » (76). La rupture des canalisations de gaz prive en effet les habitants de leur source habituelle de lumière : tout le quartier est plongé dans le noir. Un habitant de la rue de Seine écrit : « le soir, surtout, sans bec de gaz, c’était vraiment à frissonner » (77). L’atmosphère est encore alourdie par l’aggravation de la crue qui ne semble pas vouloir s’achever. Le Figaro, qui y consacre au plus fort de la catastrophe plusieurs pages de son journal, rapporte : « Au hasard, on apprend de mauvaises nouvelles : (…) place Saint-Michel, un nouvel affaissement du sol s’est produit ; On ne passe plus que par la rue Dauphine (…). Les gens disent cela, à voix basse, dans les rues noires » (78). « On a l’impression d’être dans une ville assiégée par un insaisissable ennemi » (79) résume le Journal des Débats.
La crainte des malveillances, de l’accident, de la pénurie pèsent sur le moral. On rapporte ainsi que des voleurs « sont montés en barque l’autre nuit et ont dévalisé, rue de Seine, un bureau de tabac » (80). Autre signe de la psychose qui règne alors, le gardien du tout nouveau commissariat de police de Saint-Germain-des-Prés, situé au 14, rue de l’Abbaye, croit entendre, le 28 janvier au soir, des malfaiteurs. Il se munit d’un révolver et, ouvrant la porte d’un local arrière, découvre une légion de rats qui s’y sont réfugiés. Assiégé, le gardien épuise les six balles de son révolver et finit par lutter avec un gourdin. Il s’en sort avec une morsure… (81). Ailleurs, devant le 38, rue Jacob, un canot chavire jetant un officier de la paix et l’un de ses brigadiers qui procédaient au sauvetage d’un malade, dans 1,50 m d’eau glacée et noire.
Figure 11 : La crèmerie Delanoy les pieds dans l’eau, au 27, rue Bonaparte. Coll. Christian Chevalier.
Pour ce qui est du ravitaillement, « Les eaux minérales et le pétrole manquent totalement ; le beurre se vend 2 fr. 30 la livre, la douzaine d’œufs 1 fr. 80… La verdure est rare. Le prix des pommes de terre et des choux a doublé… » (82). C’est sans doute la raison pour laquelle la crémerie Delanoy (83) , au 27, rue Bonaparte choisit d’ouvrir sa boutique et de dresser un étal qui a, littéralement, les pieds dans l’eau (84). Le Petit Parisien en parle, ainsi que de la boucherie Bonaparte : « l’on peut voir à l’entrée de la rue Bonaparte près de la place Saint-Germain-des-Prés à quelques mètres seulement de l’eau, un boucher et un fruitier qui ont établi leur boutique en plein air sur des tables. Ils nous avouent que depuis le matin, ils n’ont pas cessé de débiter de la marchandise et qu’ils ont même dû prendre du personnel supplémentaire pour arriver à servir tout le monde » (85).
C’est pourtant un tableau un peu noirci, voire exagéré que l’on dresse parfois. Nous en voulons pour preuve une angoissante gravure de l’époque qui présente le quai des Grands-Augustins victime d’un véritable raz de marée (86). Le dessinateur représente une scène savamment dramatisée : bras levés, mains implorantes, vagues, cadavre d’animal, tout y est pour créer le drame. Le contraste est saisissant avec les clichés du même lieu qui montrent au contraire un calme plat (87).
Figure 12 : Représentation dramatisée de l’inondation sur le quai des Grands-Augustins.
Figure 13 : Même lieu que la figure précédente, devant le restaurant Laperouse. C’est plutôt le calme plat qui règne. Coll. Baptiste Essevaz-Roulet.
Dans le même registre, l’hôpital de la Charité, situé à la place de l’actuelle faculté de Médecine, à l’angle de la rue Jacob et des Saints-Pères, voit dès le 21 janvier ses caves et sous-sols envahis par les eaux. Si les malades ne sont pas menacés de noyade, c’est tout le fonctionnement de l’hôpital qui devient impossible : manque d’eau potable, de chauffage, d’électricité, mais aussi de linge propre et de nourriture qu’il est impossible de faire venir en quantité suffisante. Le 25 janvier, la décision est prise d’évacuer certains patients vers d’autres hôpitaux de la capitale. Le peintre A. Boulanger en exécute, quelques temps après la crue, une œuvre intitulée Le sauvetage des malades de l'hôpital de l'Ancienne Charité (inondations de 1910) (88).
Dans une étude consacrée à cette œuvre, Alban Sumpf en fait la description : « Dans une atmosphère sombre, à peine éclairée par une lumière d’hiver blême, le sauvetage s’organise. (…) De nombreuses personnes (…) semblent attendre leur tour, ou aider à l’évacuation. (…) Le peintre crée une atmosphère dramatique et même apocalyptique pour mieux exprimer un symbolisme à la fois mythologique, républicain et religieux. Il peut ainsi retrouver à partir d’un événement contemporain, certains thèmes et motifs de la peinture classique. Paris peut aussi, en 1910, connaître des événements « légendaires » (89). Mais ces événements peints sont loin de la réalité car si l’hôpital a bien été évacué, les conditions n’ont rien eu de dramatique. Cette scène, ajoute Alban Sumpf, signifie aussi que face au danger et sous le drapeau français, « tous s’affairent pour évacuer la femme, dans une sorte de chaine humaine qui regroupe hommes et femmes de toutes conditions (comme le suggèrent les costumes différents, ouvriers ou plus bourgeois). Peut-être pourrait-on lire ici un symbole républicain ».
On peut donc y voir aussi une exaltation de la solidarité et des actes de dévouements. Il ne fait aucun doute qu’il y en eût beaucoup (90), mais la presse, notamment, s’en empare pour faire vibrer la corde patriotique. On peut ainsi lire dans le Petit Journal : « A ceux qui osent parler d’une décadence morale de ce pays, à ceux qui ne veulent voir dans Paris qu’une ville frivole et jouisseuse, il eut fallu montrer ce peuple énergique et débrouillard combattant l’inondation, courant tous les risques, acceptant toutes les privations sans se plaindre et songeant plus au malheur du voisin qu’au sien propre ». Et encore : « Paris a vraiment offert au monde un admirable spectacle. Sa population toute entière a fait preuve d’autant d’héroïsme que de belle humeur » (91).
En réalité, les parisiens font preuve de beaucoup plus de légèreté, de curiosité et d’humour, que ne laisseraient croire ces journaux. L’humeur joyeuse est perceptible à travers les récits qui nous sont parvenus ou la correspondance. Voici ce qu’on peut lire sur une carte au sujet du bureau tabac du 21, rue de Seine : « Le bureau de tabac, en face de chez nous [est inondé]. Depuis lors, les allumettes prennent mal » (92) D’autres guettent la monté des eaux, parfois avec l’aide des escaliers en numérotant des marches noyées. Une habitante du 29, rue Bonaparte écrit : « L’eau s’est arrêtée juste à notre porte, mais il ne faut pas désespérer, voilà que cela remonte » (93) ! D’autres encore profitent de l’étalement du fleuve pour pratiquer la pêche à la ligne, comme on le voit sur une carte postale de la rue Saint-André-des-Arts (94). Comme c’est d’usage à l’époque pour toute l’actualité, les caricaturistes et humoristes, enfin, s’en donnent à cœur joie.
Figure 14 : Un « pêcheur » mis en scène rue Saint-André-des-Arts. Coll Christian Chevalier.
Le Petit Journal résume parfaitement la situation : « un sentiment que Paris n’aura guère manifesté dans l’occurrence, c’est la peur. L’eau débordait sur les quais, dans les rues, envahissait les maisons, le sol s’effondrait : le Parisien vaquait à ses affaires comme de coutume et ne s’affolait pas. Au contraire, il allait au danger. On lui avait dit qu’il y avait péril à s’approcher des parapets ! N’importe ! le Parisien voulait voir. La curiosité est chez lui plus forte que la prudence… Songez donc !... On ne reverrait probablement plus jamais ça. Il y avait plus d’un siècle que pareille inondation n’avait pas ravagé la capitale. Et l’on eût voulu que le Parisien, si curieux de sa nature, restât chez lui. Allons donc ! (...) A certains jours, il y eut cinq cent mille personnes qui se pressèrent tout le long de la Seine, s’arrêtant sur les ponts où la circulation était permise, contemplant le fleuve en furie… » (95).
Il existe de très nombreux clichés sur lesquels la foule « plus curieuse encore qu’émue… » (96) comme dit Georges Cain, est présente et se masse autour des berges de la Seine. Le Petit Parisien donne une scène vivante : « Quai Conti. Sur la rive gauche, vers trois heures [le 26 janvier 1910], la foule est si dense que les agents de service sur ce point ne savent comment la faire circuler. Tous les curieux venus en masses profondes s’engagent sur le pont des Arts et sur le pont Neuf. Ils s’attardent à regarder les mariniers et les agents de la brigade fluviale qui, armés de crocs, de gaffes et de perches s’efforcent – avec succès d’ailleurs – de relancer dans le courant des bûches, poutres et rondins, arrêtés dans les arcatures de fer du pont des Arts qui, formant barrage, compromettent la solidité bien précaire de la légère passerelle. Soudain, de sourds craquements jettent l’inquiétude dans cette foule… Ce sont les grands et beaux arbres plantés sur les berges du quai de Conti, le long de l’écluse de la Monnaie, qui menacent de s’abattre… Les colosses ont d’inquiétants balancements et leurs branches s’entrechoquent avec des cliquettements sinistres. Les agents n’hésitent pas… Avec deux câbles, ils barrent, au pont des Arts et au pont Neuf l’accès du quai Conti » (97).
Figure 15 : La foule des badauds rue des Saints-Pères. Coll. Baptiste Essevaz-Roulet.
La presse est immédiatement consciente de l’ampleur de la catastrophe. Dès le 13 février 1910, soit à peine deux semaines après le début de la décrue, on peut lire dans Le Petit Parisien : « Depuis les heures tragiques qui ont marqué le début de l’inondation qu’on appellera dans les futures histoires de Paris la « grande inondation de janvier 1910 », bien des collections de photographies ont été réunies pour transmettre, par des documents exacts, le souvenir de ce lamentable désastre » (98). Comme l’écrit le Journal des Débats, « la gravité des circonstances n’empêcha jamais les passants de poser pour l’objectif » (99). Chacun veut pouvoir dire « j’y étais ! ».
On ne saurait chiffrer le nombre de photographies qui ont été prises au cours de l’inondation, mais il y en a eu probablement plusieurs milliers. Tous s’y mettent : photographes professionnels, journalistes, particuliers et curieux. Il n’existe pas de fonds d’archives qui ne conserve quelques clichés originaux de la crue. Certains clichés sont magnifiques, oniriques ou esthétiques. D’autres, plus spectaculaires, sont destinés à la presse. Il existe aussi un nombre non négligeable de photographies prises par des particuliers, dans une démarche qui se rapproche du mini-reportage ou de la séance de pose pour immortaliser l’événement. Nous pensons notamment à une série de petits tirages qui contient de nombreuses vues de la rue Visconti avec les propriétaires de l’immeuble du 21, posant, visiblement ravis, sur les passerelles établies dans la rue et dans leur cour.
La plus forte proportion de documents iconographique est représentée par les cartes postales. Dès le lundi 24 janvier, Georges Cain signale la présence de photographes et de camelots sur les quais. Tout au long de l’inondation, ces derniers hurlent « Demandez Paris sous l’eau… Le déluge à Paris… Un franc la douzaine d’instantanés… demandez… » (100) , ou encore « 24 instantanés pour 1 franc, demandez » (101). C’est une véritable industrie de la carte postale qui se crée. Certaines sont de véritables tirages photographiques, édités parfois à très peu d’exemplaires, sans doute des commandes privées puisqu’ils représentent spécifiquement un groupe de personnes (employés, locataires, propriétaires…). Par exemple, M. Bilbault (102), le gérant de la pension de famille du 21, rue Jacob (actuel hôtel des Marronniers) passe sans doute commande à un photographe d’une série de clichés. Le groupe, probablement composé de locataires et de membres du personnel, se fait photographier dans la cour, puis monte dans des barques et enfin, s’avance jusqu’au carrefour Jacob-Bonaparte et se met debout dans les barques ! Sur cette série de clichés, on voit aussi les marins arrivés de la côte pour aider les sinistrés.
Figure 16 : Séance de pose en barque dans l’entrée du 21, rue Jacob (Coll. Christian Chevalier). Nous avons mis en médaillon le visage d’une dame que l’on retrouve sur les clichés suivants.
Figure 17 : Séance de pose en barque dans l’entrée du 21, rue Jacob (Coll. Baptiste Essevaz-Roulet). En médaillon, le visage de dame que l’on retrouve sur les trois clichés.
Figure 18 : Les mêmes personnages que les clichés précédents, debout dans les barques, rue Jacob, près du carrefour avec la rue Bonaparte. Coll. Baptiste Essevaz-Roulet.
D’autres cartes postales sont au contraire imprimées et diffusées à des milliers d’exemplaires de qualité très diverse. Certains n’hésitent pas à réaliser des cartes postales à partir de photo publiées dans les journaux, avec un très fort tramage. Sur le carrefour Jacob-Bonaparte et le quai des Grands-Augustins, de loin les plus photographiés, il existe plusieurs dizaines de vues différentes des mêmes lieux. Les sinistrés se servent de ces cartes comme d’un média pour montrer la catastrophe : « cette carte ne te laissera aucun doute sur l’importance de la crue » (103), écrit un correspondant au dos d’une carte de la rue Jacob sous les eaux. Ou encore : « je me fais un plaisir de vous envoyer l’aspect de notre rue pendant l’inondation » (104) écrit une certaine Simone au dos d’une autre carte de la rue Jacob. Enfin, « je vous envoie une vue de Venise » (105) peut ont lire sur une carte du quai Conti inondé. D’autres utilisent ces cartes postales, plusieurs mois voire plusieurs années après janvier 1910, comme de simple curiosités.
Conséquences de la crue dans le 6eme
Le 25 janvier, l’ancien séminaire de la place Saint-Sulpice (actuel hôtel des Impôts) est transformé en centre d’accueil pour les sinistrés que des pontonniers du génie et des marins amènent de banlieue (106) parisienne. Le séminaire, désaffecté depuis la séparation de l’Église et de l’État, devient un des principaux centres de réfugiés de Paris. Il est remis aux mains de l’Union des Femmes de France qui y accueille les victimes du fléau. Trente-deux dames de bonne volonté, placées sous la conduite de Mmes Chabanon, Duval-Arnould, femme du conseiller municipal, et Dupouy, assurent les soins multiples de l’installation. Les premiers réfugiés, au nombre de 70, arrivent le 26 janvier à 11 h du soir d’Alfortville et du quartier Javel (107). Ils sont 350 le 29, mais il en arrive sans cesse et le séminaire est capable d’en recevoir entre 800 (108) et 1200 (109).
Figure 19 : Infirmerie spéciale pour les enfants des sinistrés, organisée par les dames de la Croix-Rouge au séminaire Saint-Sulpice. Cliché M. Roll daté du 4 février 1910 ; coll. Jacques Rollin (110).
L’Union des femmes de France improvise aussi une école sous la direction de Mlle Louise Duval-Arnould, la fille du conseiller municipal du 6e arrondissement, assistée d’autres jeunes filles (111). Le 27 janvier au soir, le Président de la République, M. Fallières, accompagné par les plus hautes autorités de l’État, vient visiter le séminaire, réconforter les malades et féliciter les dames de la Croix-Rouge et le maire du 6e pour l’organisation des secours (112).
Une fois que les eaux ont rejoint le lit ordinaire de la Seine, le 6e nettoie, retire les épaves le long des berges et constate les dégâts. Il y en a peu en comparaison d’arrondissements comme le 15e où les sinistrés sont nombreux. Plusieurs chaussées sont défoncées, notamment celle du quai des Grands-Augustins. Quai Conti, devant l’Institut, un trou de quatre mètre de largeur se creuse subitement avec le retrait des eaux (113). La corporation des libraires et les bouquinistes, très nombreux dans le quartier, est durement éprouvée (114). A l’échelle de Paris, on ne compte plus les « affaissements, trous, crevasses, gadoues, conduites crevées » (115). Le métro bien qu’inondé n’a pas subi de dommage majeur.
Figure 20 : Aspect du quai des Grands-Augustins après la décrue. Coll. Baptiste Essevaz-Roulet.
Outre les dégâts, la crue laisse peu de traces visibles ou celles-ci disparaissent rapidement. Tout juste voit on la trace sombre de l’eau sur la « librairie Académique » alors située 35, quai des Grands-Augustins ». Ce sont surtout les traces claires laissées par le fleuve gonflé sur les ponts qui sont visibles, comme sur le Pont-Neuf. Les photographies qu’Eugène Atget exécute aux beaux jours de 1910 dans Saint-Germain-des-Prés ne présentent aucun stigmate.
Figure 21 : Traces de la crue sur le Pont-Neuf (L’Illustration du 26 mars 1910).
Après le nettoyage et les réparations, l’administration parisienne cherche à comprendre ce qui s’est passé et à se préparer à la prochaine « grande crue ». Plusieurs rapports sont produits comme le rapport général Picard, ou bien encore sur le rôle de la ligne de métro Nord-Sud dans l’expansion de la crue. L’administration consulte à tout va les entreprises pour constituer, par exemple, des stocks de sac en toile de jute pour former des barrages en cas de nouvelle monté des eaux (116).
Cette mobilisation juste après l’inondation est un réflexe récurrent qu’on observe après chaque grande catastrophe. Pourtant, le temps érode souvent les bonnes résolutions et engendre une baisse de la vigilance et la perte de la culture du risque. À Paris aujourd’hui, aucune crue majeure n’a eu lieu depuis 50 ans, alors qu’il y en avait eu 10 au cours des 50 années précédentes. Les barrages et bassins protègent la Capitale des effets des petites et moyennes crues, mais n’empêcheront pas une grande crue centennale. Une telle crue se reproduira, c’est une certitude. Il est même possible que son ampleur soit surpassée. Avant 1910, on estimait que la cote de 6,50 m (atteinte en 1876) était une limite que le fleuve endigué ne dépasserait plus alors qu’il a atteint 8,81 m (117) en 1910. Dans le même esprit, la gigantesque crue de Prague en 2002 a dépassé de 1,20 m leur crue de référence. Qu’en sera-t-il pour Paris et la Seine ? On l’ignore, bien entendu, mais à cause de la densification des réseaux d’assainissement et de l’urbanisation des zones inondables, le risque est aujourd’hui plus sévère qu’il y a un siècle. On estime à 17 milliards d’euros les dégâts que causerait aujourd’hui une crue d’ampleur similaire à celle de 1910.
Les commémorations de la crue de 1910 peuvent nous servir à réactiver cette culture du risque, à encourager les actes de préventions et faire comprendre la responsabilité de chaque acteur. Où trouverait-on aujourd’hui les lampes à pétrole pour s’éclairer ? Les chevaux pour tirer les charrettes ? Pour les particuliers, il s’agit de prendre conscience que dans les zones inondables, la vie quotidienne peut devenir impossible. Les réseaux de transport en commun seront interrompus et l’électricité sera coupée dans chaque immeuble atteint par l’eau. Sans lumière électrique, sans téléphone, sans chauffage, sans ordinateur, etc., comment survivre ? Il faut donc penser à conserver chez soi un récepteur radio, piles, bougies, couvertures, etc. ou prévoir un hébergement de repli…
La crue de 1910 est une des plus grandes crues que Paris ait connues depuis quelques siècles, mais c’est surtout la première de l’ère moderne à avoir été autant documentée. Les cartes postales et les plaques indiquant le niveau atteint par les eaux ont perpétué la mémoire de l’événement. Dans le 6e arrondissement, l’inondation n’a pas eu de conséquences dramatiques, mais elle nous donne l’occasion de nous replonger dans l’ambiance du quartier à l’aube du XXe siècle, d’y croiser les habitants, les commerçants de l’époque. On y voit la population réagir avec philosophie, curiosité et humour, puis, après le retrait des eaux, panser ses plaies rapidement et reprendre le cours normal de la vie.
Au-delà des anecdotes, l’abondante iconographie constitue pour l’amateur et l’historien un formidable témoignage des transformations subies par le quartier. On y revoit l’ancien pont du Carrousel avant sa reconstruction, on y aperçoit les hôtels particuliers et bâtisses démolis pour créer les squares Honoré Champion, Gabriel-Pierné, celui du carrefour Echaudé-Jacob-Seine. La crue de 1910 a engendré ce qu’on pourrait qualifier de portrait instantané des zones inondées, un portrait complet et en profondeur d’un lieu, d’une époque et de tant de vies.
Baptiste Essevaz-Roulet et Christian Chevalier
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1 Cet article a donné lieu à une conférence qui s’est tenue le 21 janvier 2010 à la mairie du 6e. Il s’inscrit dans le cycle de commémorations de la crue de 1910 dans le 6e organisé par le conseil de quartier Saint-Germain-des-Prés (dont sont membres les auteurs) et qui a inclus une exposition pédagogique (mairie du 6e, bibliothèque André Malraux, hôpital Bretonneau), une exposition d’agrandissements remarquables (café Aux Deux Magots, agence BNP-Paribas Saint-Germain-des-Prés, bibliothèque André Malraux) et une lecture de « L’inondation » d’Emile Zola par l’acteur Jean-Claude Dreyfus le 21 janvier 2010 à la mairie du 6e.
2 Source : DIREN Île-de-France ; délégation de Bassin Seine-Normandie
3 Elisabeth Hausser, Paris au jour le jour. La presse quotidienne de 1910 à 1918, Paris, 1968.
4 Georges Cain, « La semaine d’un inondé », Les Pierres de Paris, Paris, 1910.
5 Idem.
6 Idem.
7 Le journal des débats, 1910, p. 78.
8 Georges Cain, op. cit.
9 Le Temps, 27 janvier 1910, p. 2.
10 Idem.
11 Le Petit Journal, 28 janvier 1910, p. 2.
12 Le Gaulois, 28 janvier 1910, p. 2.
13 Le Figaro du 29 janvier 1910, p.2.
14 Le journal des débats, 1910, p. 80.
15 Le Figaro, 29 janvier 1910, p.2.
16 Le Figaro, 28 janvier 1910, p.2.
17 Idem.
18 Le Petit Journal, 29 janvier 1910, p. 1.
19 Elisabeth Hausser, op.cit.
20 Le Figaro, 30 janvier 1910, p.1.
21 Idem.
22 Le Petit Journal, 31 janvier 1910, p. 2.
23 Le Petit Journal, 5 février 1910, p. 2.
24 « Documents et informations », L’Illustration, 19 février 1910, p. 188.
25 « La Seine a dévasté Paris et sa banlieue », Le Petit Parisien, suppl. littéraire illustré, 6 février 1910, p. 42.
26 Elisabeth Hausser, op.cit.
27 Idem.
28 Georges Cain, op.cit.
29 Le journal des débats, 1910, p.84.
30 Le Petit Parisien, 26 janvier 1910, p. 1.
31 Georges Cain, op.cit.
32 Le Temps, 28 janvier 1910, p. 2.
33 Le Figaro, 30 janvier 1910, p. 2.
34 Georges Cain, op.cit.
35 Rapport général de la Commission des inondations à M. le président du Conseil, Ministre de l’Intérieur et des Cultes, Alfred Picard, président de la Commission, 30 juin 1910, Paris.
36 « La Seine a dévasté Paris et sa banlieue », Le Petit Parisien, supplément littéraire illustré, 13 février 1910, p. 54.
37 Georges Cain, op.cit.
38 Le Temps, 28 janvier 1910, p. 2.
39 Les pavés de grès ont été beaucoup utilisés au cours de cette crue, notamment pour former des barrages, en raison du fait que plusieurs tonnes d’entre eux avaient été déchaussées au profit de pavés de bois. Dans l’attente d’être transférés ailleurs, les pavés de grès étaient stockés sur l’île de la Cité, donc à proximité.
40 Le journal des débats, 1910, p.70.
41 AD de Paris, VO NC 834.
42 Idem.
43 Elisabeth Hausser, op.cit.
44 Idem.
45 Le Figaro, 29 janvier 1910, p.3.
46Marcel Poëte, « Les anciennes inondations à Paris », Bullet. Soc. Hist. VIe arr. de Paris, Paris, 1909, p.134.
47 On sait par sondage que le niveau naturel du sol se situe à 5 m sous terre aux Beaux-arts (Hoffbauer, Paris à travers les âges, Paris, 1886, p.8). On peut aussi admirer les fondations d’une tour et de la muraille de Philippe Auguste (vers 1200) qui sont aujourd’hui situées au second sous-sol du parking de la rue Mazarine.
48 Dans l’ordre chronologique : percements de la rue de l’Abbaye, de la rue de Rennes et du boulevard Saint-Germain.
49 La chaussée actuelle est toutefois située 3 m au dessus du sol ancien (Marcel Poëte, op.cit.).
50 Marcel Poëte, op.cit.
51 Idem.
52 Le journal des débats, 1910, p.70.
53 Le journal des débats, 1910, p.65.
54 Nous remercions chaleureusement M. Lanternier, ayant-droit de Paul Gers, et M. Puton, conservateur du CRI de Lorraine, pour avoir porté à notre connaissance les images de Paul Gers et nous avoir autorisé à les publier.
55 Henri Lavedan, « Courrier de Paris », L’Illustration, 5 février 1910, p. 90.
56 Idem.
57 L’inondation de Paris et ses environs, 1910, Paris, p.41.
58 Henri Lavedan, op.cit., p. 91.
59 Georges Cain, op.cit.
60 Le journal des débats, 1910, p.68.
61 Le Petit Parisien, 28 janvier 1910, p. 2.
62 Le journal des débats, 1910, p.78.
63 AD de Paris, Vbis 6.I5 2, Comm. d’hygiène du VIe arr., PV de la séance du 26 mai 1910.
64 La boucherie s’était installée là avant 1850 et existait encore en 1962.
65 Annuaire du commerce Bottin, 1910. M. Pavy vend son activité à M. Collin quelques années plus tard, en 1913, dans la famille de qui la boucherie reste au moins jusqu’en 1962. Nous remercions chaleureusement Yvonne Sibiril qui a effectué les recherches dans les « Bottin » aux Archives de Paris.
66 Annuaire du commerce Bottin, 1910.
67 Coll. Baptiste Essevaz-Roulet.
68 Légende au dos d’un cliché. Coll. Baptiste Essevaz-Roulet.
69 Le Petit Parisien, 1er février 1910, p. 2.
70 Entretien avec Jean Bouvier, janvier 2010.
71 AD de Paris, Vbis 6.I5 2, Comm. d’hygiène du VIe arr., PV de la séance du 5 février 1910.
72 AD de Paris, Vbis 6.I5 2, Comm. d’hygiène du VIe arr., PV de la séance du 31 mars 1910.
73 AD de Paris, Vbis 6.I5 2, Comm. d’hygiène du VIe arr., PV de la séance du 26 mai 1910.
74 Georges Cain, op. cit.
75 Elisabeth Hausser, op.cit.
76 Georges Cain, op. cit.
77 Carte postale, coll. Christian Chevalier.
78 Le Figaro, 29 janvier 1910, p.2.
79 Georges Cain, op. cit.
80 Le Figaro, 30 janvier 1910, p. 2. Le tabac était situé au 21, rue de Seine.
81 Le Petit Journal, 29 janvier 1910, p. 2.
82 Georges Cain, op. cit.
83 Annuaire du commerce Bottin, 1910.
84 Coll. Christian Chevalier.
85 Le Petit Parisien, 30 janvier 1910, p. 2.
86 BHVP, L’inondation à Paris, le quai des Grands-Augustins, 1910.
87 Coll. Baptiste Essevaz-Roulet.
88 Musée Carnavalet (Paris).
89 Alban Sumpf, « Le sauvetage des malades de l'hôpital de l'Ancienne Charité », L’histoire par l’image (http://www.histoire-image.org), 2009.
90 Elisabeth Hausser, op.cit.
91 Le petit journal, supplément illustré, dimanche 13 février 1910, p. 50.
92 Coll. Didier Marsien.
93 Coll. Christian Chevalier.
94 Idem.
95 Le petit journal, supplément illustré, dimanche 13 février 1910, p. 50.
96 Georges Cain, op. cit.
97 Le Petit Parisien, 26 janvier 1910, p. 1.
98 « Quelques aspects de Paris pendant l’inondation », Le Petit Parisien, supplément littéraire illustré, 6 février 1910, p. 42.
99 Le journal des débats, 1910, p. 66.
100 Georges Cain, op. cit.
101 Idem.
102 Signature au dos des cartes postales (Coll. Christian Chevalier, Baptiste Essevaz-Roulet) et annuaire du commerce Bottin, 1910.
103 Coll. Baptiste Essevaz-Roulet.
104 Idem.
105 Idem.
106 Idem.
107 Le Petit Journal, 27 janvier 1910, p. 3.
108 « La Seine a dévasté Paris et sa banlieue », Le Petit Parisien, supplément littéraire illustré, 6 février 1910, p. 42.
109 Le Figaro, 29 janvier 1910, p.4.
110 Nous remercions chaleureusement M. Rollin qui nous a autorisés à reproduire les images de sa collection.
111 « Les secours », L’Illustration, 5 février 1910, p. 93.
112 Le Petit Journal, 28 janvier 1910, p.2.
113 Le Figaro, 30 janvier 1910, p. 2.
114 Le Journal des débats, 1910, p. 70.
115 Elisabeth Hausser, op.cit.
116 AD de Paris, VO NC 834, dossier contenant divers devis pour la fourniture de toile de jute avec échantillons.
117 Elisabeth Hausser, op.cit.