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SOCIETE HISTORIQUE DU VIe ARRONDISSEMENT

1870 Le siège de Paris, chronique locale d'un drame national - 6 - L'Académie des sciences pendant la guerre de 1870

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1870

6 L'Académie des sciences pendant la guerre de 1870

 

Ouvrons une parenthèse dans le déroulé de cette chronique en nous intéressant cette fois-ci à ce qui se passe quai de Conti.

 

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Du fait de leurs professions et de leur âge les membres de l'Institut n'ont pas combattu pendant la guerre de 1870. Beaucoup ont gagné leurs domaines campagnards lorsque les Prussiens se sont rapprochés de Paris ou s'y sont trouvés bloqués. L'Académie française fait tardivement sa rentrée. Le 27 novembre Victor Hugo signale dans Choses vues : « L'Académie me donne signe de vie. Je reçois l'avis officiel qu'elle tiendra désormais une séance extraordinaire le mardi ». Ils ne s'y retrouvent guère nombreux : le 3 janvier 1871 il note qu'« il y a en ce moment douze membres de l'Académie française à Paris ».

Il en est allé différemment à l'Académie des Sciences. Au début les événements donnèrent l'impression de glisser sur elle comme l'eau sur les plumes d'un canard. L'enfermement de Paris, la dureté du siège et sa durée, et l'afflux des blessés dans les ambulances, l'amenèrent à faire une place

dans ses travaux aux questions sanitaires et militaires. Mais il fallut que les Prussiens, insensibles au prestige des cols verts, s'attaque physiquement à l'un des siens pour qu'elle se sente directement concernée. L'histoire mérite d'être contée.

 

Les deux visages du quotidien de l'Académie des sciences

 

Une institution bien établie ...

En 1870 l'Académie des sciences compte 66 membres répartis en 11 sections de 6 membres, auxquels s'ajoutent 10 académiciens dits libres, 8 associés étrangers et 100 correspondants, français ou étrangers, soit une composition bien différente de celle d'aujourd'hui (281 membres répartis en 9 sections, auxquels s'ajoutent 105 associés étrangers et 67 correspondants français ou étrangers). Tous les grands savants de l'époque y siègent, tel Louis Pasteur à la section VII de « minéralogie » (il était l'auteur d'études sur les cristaux). Signe de la conviction que la science est porteuse de progrès dans tous les domaines de l'activité humaine. Parmi les 6 membres de cette section figure le baron Paul Thenard, le héros de notre prochaine chronique.

Les académiciens se réunissent tous les lundis. Les séances sont consacrées à la lecture ou à la présentation de rapports ou de mémoires émanant d'eux-mêmes ou des correspondants, avec le cas échéant mention des échanges suscités par les dits rapports ou mémoires.

L'entrée du pays en guerre est sans effet sur la périodicité des réunions et leur contenu. Seule la séance du 22 août mentionne le conflit pour en déplorer les conséquences sur le bon déroulement d'une initiative française : du 8 au 13 août s'est en effet tenue à Paris la première session d'une Commission internationale du mètre, voulue en 1869 par Napoléon III, avec pour mission « l'exécution d'un mètre aussi exactement que possible égal à celui des Archives de l'Empire ». La plupart des participants étrangers étant déjà arrivés au moment de la déclaration de guerre, on avait décidé de maintenir la session. Vingt pays étaient représentés sur les vingt-cinq invités. Les absents, on s'en doute, étaient les États germaniques. Le ministre de l'Agriculture et du Commerce ayant demandé à l'Académie un rapport sur les résultats de cette session, le document, lu au début de la séance du 22 août, se termine par une péroraison humaniste saluant « le spectacle consolant d'une assemblée d'hommes éminents, étrangers les uns aux autres par la nationalité, mais liés par un commun amour de la science et de la civilisation ». Cet amour de la science et de la civilisation n'empêche d'ailleurs pas ces Messieurs de céder parfois à la tentation de joutes verbales dont la seule vertu semble être de rappeler, paraphrasant Tartuffe, « que pour être savant on n'en est pas moins homme ».

 

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Henri Sainte-Claire Deville et Jules-Célestin Jamin, photos WikiCommons

 

… non exempte de joutes verbales

Une vieille inimitié opposait le chimiste Étienne-Henri Sainte-Claire Deville, membre de la section VII (Minéralogie) et passé à la postérité pour ses travaux sur l'aluminium, à son confrère le physicien Jules-Célestin Jamin, membre de la section V (Physique générale). Sainte-Claire Deville avait publié en 1868 un mémoire relatif aux « variations de température produites pas le mélange de deux liquides ». Jamin avait émis des critiques. Sainte-Claire Deville avait répliqué en l'accusant d'avoir fondé ses critiques sur un extrait volontairement tronqué de son mémoire.

Le différend aurait pu se clore lors de la séance du 4 juillet, après que Jamin eut expliqué pourquoi il avait amputé le texte, ajoutant : « Je l'ai fait de bonne foi, sans aucune intention malveillante et sans soupçonner l'émotion que j'allais produire. Je prie mon honoré confrère de croire à tous mes regrets ». Mais après ce préambule encourageant, Jamin se livre à une longue démonstration dans laquelle il compare leurs positions respectives, et explique en quoi il maintient ses critiques. Piqué au vif, Sainte-Claire Deville prend la parole pour réitérer ses accusations : « Il m'a prêté des opinions que je n'ai jamais énoncées » et mettre à mal la démonstration de son confrère. Jamin le prend très mal et dénonce ceux qui critiquent « bruyamment » ses hypothèses. L'adverbe « bruyamment » a fait mouche. Sainte-Claire Deville réplique le 18 juillet : « Tout le bruit que j'ai jamais fait, depuis trente-deux ans que j'ai présenté mon premier Mémoire à l'Académie, je l'ai fait devant notre compagnie. J'ai encore dans son sein des maîtres aimés et vénérés qui m'eussent averti, si j'avais devant eux manqué de modestie et dont je n'ai jamais reçu que des encouragements. Je ne puis admettre que M. Jamin ait pesé mûrement tous les termes de cette phrase, sans quoi il aurait pensé que ce n'est pas à un confrère plus jeune que moi dans la vie, dans la science et dans l'Académie qu'il convenait de me conseiller le silence après avoir provoqué cette discussion par des citations tronquées et par une critique que je crois injuste et inopportune ». Jamin lui répond le 8 août, non sans aigreur : « Ces notes [les propos de Sainte-Claire Deville rapportés dans le compte rendu de la séance du 18 juillet], qui témoignent d'une vive irritation, contiennent des critiques de détail, des discussions grammaticales, des insinuations contre ma bonne foi, et se terminent par un rappel vigoureux au respect que je dois à l'âge et au mérite de M. H. Sainte-Claire Deville. Ce sont des arguments auxquels je ne répondrai pas un seul mot ».

On le voit, la controverse intellectuelle, naturelle entre scientifiques, a cédé la place aux attaques ad hominem. Les considérations d'âge prêtent d'autant plus à sourire que nos deux protagonistes sont nés tous deux la même année, en 1818, et à seulement vingt jours d'intervalle …

Il semble néanmoins que l'accumulation des mauvaises nouvelles militaires puis le début du siège de Paris aient opportunément ramené à la raison nos deux protagonistes, car on ne trouve plus trace de leur querelle dans les comptes rendus des séances ultérieures. Comme ils n’ont fait, l'un et l'autre, aucune communication pendant toute la durée du siège, on peut supposer qu'ils ont réussi à quitter Paris à temps, à moins qu'ils aient tout simplement boudé les séances ultérieures de peur de s'y rencontrer.

 

Prise de conscience

Ces comptes rendus ne comportant pas de listes de présence, on ignore le nombre de membres siégeant à partir du 19 septembre. On connaît toutefois les motifs de trois absences en ce premier jour du siège, dont le président de séance donne lecture. Le chimiste Paul Thenard a fait savoir qu'il est retenu en province sur ses terres bourguignonnes. Le fils du physicien Antoine Becquerel envoie à l'Académie une lettre apprenant que celui-ci séjourne depuis plusieurs mois à Châtillon-sur-Loing, dans le Loiret, pour raison de santé. Précision intéressante pour apprécier l'état de l'opinion publique hors de Paris, il dit s'attendre à voir ce département envahi par les Prussiens et qu'il s'apprête à se « joindre à la garde nationale pour la défense de notre territoire », ajoutant qu'« ici comme par toute la France, il y a un grand élan patriotique ». Enfin le président de séance, estimant que, « dans les circonstances où nous nous trouvons, l'absence de notre honorable vice-président, M. Coste, pouvait être remarquée, regarde comme un devoir de rappeler à nos confrères qu'elle est due à la longue et grave affection qui l'éloigne de nous ». On a l'impression qu'on met un point d'honneur à dissiper tout soupçon de désertion.

Les travaux habituels se poursuivent avec la régularité d'un métronome, et il en sera ainsi tout au long du siège. Certains pourtant ont conscience de vivre un moment exceptionnel. Le 17 octobre, le chimiste Eugène Chevreul, après une communication intitulée « De la différence et de l'analogie de la méthode a posteriori expérimentale, dans ses applications aux sciences du concret et aux sciences morales et politiques », souligne le décalage entre les nobles idées qu'il vient de développer et « ces jours de désastre où la réalité a dépassé l'imagination ». Et de déplorer cette triste réalité : « Ici même, dans le palais de l'Institut, cette grande association des connaissances humaines, que voyons-nous ? Les fenêtres de la bibliothèque garnie de sacs de terre ! ». Ce sentiment de décalage ne quittera plus les Académiciens. Ainsi, le 12 décembre, l'astronome Hervé Faye estime nécessaire de présenter une mise au point devant ses collègues : « Certains journaux ayant paru s'étonner qu'au milieu des circonstances graves où se trouve notre pays le gouvernement ait confié à M. Janssen la mission d'aller observer une éclipse, j'ai cru qu'il ne serait pas inutile de donner ici quelques explications sur l'importance du but qu'il s'agit d'atteindre ». Toujours cette crainte d'être mal compris de l'opinion publique.

 

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Le chimiste Eugène Chevreul, photo Parismuseecollections

 

 

Travaux d’actualité

 

Cette atmosphère inédite influe pourtant sur le contenu des ordres du jour. À côté des communications ou mémoires très spécialisés qui suffisaient d'ordinaire à remplir les ordres du jour, apparaissent en grand nombre des sujets en prise avec l'actualité.

 

L'alimentation

Le 26 septembre, on lit une note du physiologiste Gabriel Grimaud de Caux, correspondant de l'Académie, intitulée « De l'alimentation des habitants dans une ville en état de siège ». Elle sera suivie le 3 octobre de la lecture de plusieurs communications, celle du chimiste et pharmacien Hippolyte Mège-Mouriès sur les meilleures techniques de panification dans un contexte de pénurie de blé, celle du colonel Robert Wilson sur l'emploi de la farine d'avoine dans l'alimentation, ou encore celle d'un certain L. Aubert sur « les moyens de faire entrer la farine de blé dans la confection d'aliments doués de propriétés nutritives suffisantes ».

 

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Jean-Baptiste Dumas, gravure Coll. Christian Chevalier

 

Le 10 octobre c'est l'un des deux secrétaires perpétuels de l'Académie en personne, le chimiste Jean-Baptiste Dumas, qui expose ses idées sur l'approvisionnement en viande et sa conservation. Il suggère aussi de s'intéresser à un procédé mis au point par un boucher, Louis-Augustin Dordron, visant à traiter la graisse de bœuf pour en faire un substitut au beurre, devenu rare. Et le 17 octobre le docteur Émile Decaisne adresse une note intitulée « L'alimentation des petits enfants, et le lait pendant le siège ». Le 24 octobre Grimaud de Caux, encore lui, lit son mémoire intitulé « De l'alimentation des habitants d'une ville en état de siège » dans lequel il présente les solutions mises en place à Venise en 1849. La ville, sous domination autrichienne, avait proclamé son indépendance en 1848. L'Autriche lui fit alors subir un siège de plusieurs mois, dont les effets sur les habitants furent aggravés par une épidémie de choléra. Le hasard avait voulu qu'il s'y trouvât, hébergé dans une famille. De son point de vue, le remède miracle semble avoir été une soupe à l'ail dont il donne la recette : « Tous les matins, dès le lever, chacun avait sa part d'un potage dont la composition était fort simple. On coupait le pain par larges tranches dans une soupière, et on l'arrosait d'huile ; on l'assaisonnait avec du poivre et du sel ; on mettait dessus plusieurs gousses d'ail cru, simplement écrasées ; enfin on versait sur le tout une suffisante quantité d'eau bouillante, et l'on attendait que le pain fût bien trempé, pour donner à chacun sa part. Nous étions quatorze dans la maison, et nul de nous ne fut malade, ni pendant ni après le siège ». Et de conclure : « Que les cantinières qui font le service des fortifications distribuent tous les matins la soupe à l'ail, et la santé des gardiens de nos remparts trouvera dans cet aliment un grand élément de conservation ». On ne sait si son conseil fut suivi … Soupe à l'ail ou pas, Paris échappa au choléra cet hiver là, mais il est légitime d'avancer qu'on le doit d'abord à la construction du remarquable réseau d'égouts par l'ingénieur Eugène Belgrand.

 

La science au service des armées

Les questions militaires s'invitent elles aussi aux séances. Le 3 octobre l'astronome Hervé Faye, membre de la section d'astronomie, ouvre la réunion en déclarant que « les événements qui nous détournent de nos travaux habituels et mettent aux mains de plusieurs de nos confrères le mousquet ou l'écouvillon dirigent impérieusement nos pensées vers des sujets d'une actualité plus saisissante ». Et de poursuivre en rendant compte des travaux de l'amiral Labrousse visant à tirer le meilleur parti de forces dégagées par « le mouvement de recul d'une arme à feu ». Le 7 novembre on lit une communication de Achille-Auguste Cazin, professeur de physique au lycée Fontanes (l'actuel lycée Condorcet), présentant sa « lunette de rempart », invention permettant de « pouvoir observer les mouvements de l'ennemi pendant l'attaque, en restant abrité derrière un rempart élevé et dépourvu d'embrasures, derrière un mur sans meurtrières ou au fond d'une casemate ». Le 14 novembre est portée à la connaissance de l'Académie une note sur « la nitroglycérine et les diverses dynamites », riche en recommandations pour l'aménagement des ateliers de fabrication.

L'hygiène aux armées n'est pas oubliée. Le 12 septembre déjà, on lisait une communication du médecin militaire Charles Sédillot, correspondant de l'Académie, sur quelques « observations relatives aux indications chirurgicales et aux conséquences des amputations à la suite des blessures par les armes de guerre ». Le 3 octobre on lit une communication de Grimaud de Caux, décidément omniprésent, intitulée « Du soldat en campagne et devant l'ennemi » dans laquelle sont abordés tous les aspects du confort et de l'hygiène du soldat en opérations ». Il y décrit un nouveau modèle de sac à dos, dont l'ergonomie très étudiée va jusqu'à lui faire jouer un rôle de blindage « permettant d'aborder l'ennemi jusqu'à la distance de 150 mètres, sans avoir rien à craindre des petits projectiles ». Comment ? Grâce aux ustensiles en métal accrochés à l'extérieur du sac, comme une pelle plate ou bien « une cartouchière, en cuir raide, fixée en haut ou en bas du sac. Si vous marchez à l'ennemi, vous portez le sac par devant si vous battez en retraite, vous le mettez sur le dos : des deux façons, le torse entier est préservé ». Reconnaissons qu'on a trouvé mieux depuis en matière de blindage ... Le 14 novembre une note du docteur Gilbert Déclat, spécialiste de l'étude des maladies contagieuses, propose « un moyen facile et presque sûr d'arrêter la diarrhée et la dyssenterie (sic) spéciales aux soldats qui sont saisis par l'humidité et par le froid ». Il consiste à « faire boire aux malades, deux jours de suite, en dehors des repas, un demi-verre d'eau dans lequel on met, selon la gravité pour la diarrhée, de huit à douze gouttes d'acide phénique cristallisé (rendu liquide par l'addition d'un dixième d'alcool), de dix à quinze gouttes de teinture thébaïque et de quinze à vingt gouttes d'alcoolature d'aconit; pour la dyssenterie, la même dose d'acide phénique, de quinze à vingt gouttes de teinture thébaïque, sans y ajouter d'aconit qui, dans ce cas, semblerait plutôt avoir une action défavorable. J'ai expérimenté cette médication au Moulin-Saquet et à l'ambulance Croix-Nivert ; elle a également réussi à Villejuif ». A-t-elle été généralisée ?

 

Les transports et les communications

On sait l'importance des ballons montés pendant cette période. Le 17 octobre, l'ingénieur militaire du génie maritime Henri Dupuy de Lôme remet une communication relative à un « projet d'aérostat dirigé, muni d'un propulseur ». Guidé par l'objectif d'une mise en œuvre aussi rapide que possible, il ne présente que « des solutions simples reposant sur l'application de procédés déjà connus, de façon que l'ensemble de l'appareil ne soit que la résultante de combinaisons déjà pratiquées avec succès par les aéronautes ». Ce qui ne l'empêche pas de développer son projet à base de formules mathématiques sophistiquées et de plans et dessins d'une haute précision. Un mois plus tard, le 14 novembre Henry Montucci, docteur ès sciences mais aussi professeur d'anglais, envoie une note « sur la nécessité de faire des expériences sur la résistance des tissus utilisés en aérostation ». Le 19 septembre, déjà, le savant touche-à-tout Achille Brachet, membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, avait adressé une Note sur les avantages que présente l'emploi, pour les besoins de la guerre, de l'aérostat Meusnier, et s'attache à faire ressortir la supériorité qu'a ce système sur ceux dont on pourrait songer à faire l'application pour la défense nationale, sujet qui le passionnait depuis longtemps.

Le domaine du renseignement et des communications n'est pas oublié. Le 28 novembre le même Montucci envoie une note « sur un moyen de détruire rapidement en ballon des papiers compromettants pour les soustraire à l'ennemi ». Le système a le mérite de la simplicité : « II suffit de se munir d'un vase carré en cristal ou en porcelaine, pourvu d'un couvercle en aluminium, et de la grandeur ordinaire des enveloppes officielles. Ce vase, contenant un bain d'acide nitrique, recevra, au moment du danger, les dépêches préalablement percées de coups de canif. En quelques secondes, l'écriture aura complètement disparu. L'acide sulfurique produirait le même effet, mais avec trop de lenteur pour la circonstance ». Le 5 décembre le médecin et physicien Jules Guyot présente un « nouveau système télégraphique applicable aux places assiégées ». L'invention est jugée du plus haut intérêt, puisque « L'Académie décide que la publication doit en être ajournée, tous les droits de l'auteur étant réservés. Le système de M. Guyot pouvant être mis en usage, il y aurait inconvénient à le divulguer ».

Du fait de leur grande spécialisation, les travaux de l'Académie ne rencontrent d'ordinaire que peu d'écho dans l'opinion publique. En cet automne les circonstances conduisent à s'y intéresser de plus près, notamment en ce qui concerne les recherches sur l'alimentation, l'armement ou les communications. Et déjà à l'époque la quête du sensationnel l'emporte parfois sur l'exactitude de l'information. Notre mémorialiste Paradis en porte témoignage avec humour en date du 23 novembre : « L'Académie des sciences s'est beaucoup occupée, depuis quelques jours, des ballons et de leur direction. Selon Le Figaro un inventeur y a proposé un ballon remorqué par des aigles que l'on dirigerait à volonté en plaçant devant eux de la viande fraîche qu'ils ne pourraient jamais atteindre. Voici un auteur à imagination. Le Figaro a oublié de nous dire son nom … C'est une perte ». Inutile de préciser qu'on n'en trouve aucune trace dans les comptes rendus de l'Académie. Mais le 14 novembre, il est exact que plusieurs communications ont proposé des améliorations à la technique des ballons montés. De là à broder pour exciter l'attention des lecteurs, il n'y avait qu'un pas ...

Finalement les séances du lundi quai de Conti avaient rapidement trouvé leur équilibre entre travaux de science pure et communications à portée pratique, que seul un coup de tonnerre pouvait réussir à ébranler. Ce qui se produisit au début de la dernière séance du mois de décembre et que vous découvrirez dans notre prochaine chronique.

 

(À suivre)

Jean-Pierre Duquesne

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