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SOCIETE HISTORIQUE DU VIe ARRONDISSEMENT

1870 Le siège de Paris, chronique locale d'un drame national - 2 - De nouveaux édiles et un opposant de poids

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1870

2  De nouveaux édiles et un opposant de poids

 

La bourgeoisie républicaine aux manettes de la ville ...

 

Le Gouvernement provisoire ne peut accepter que la capitale reste administrée par des personnalités nommées par le régime déchu. Depuis que la IInde République a supprimé la mairie centrale de Paris, le Préfet de la Seine et le Préfet de police se partagent l'administration de la ville. Le IInd Empire a maintenu cette organisation, qui a pour le pouvoir exécutif l'avantage d'assurer son contrôle sur les édiles d'une capitale bien remuante. Une Commission municipale, elle aussi nommée, tient l'état-civil : en était issus pour chaque arrondissement un maire assisté d'un ou deux adjoints. Pour le 6ème arrondissement, il s'agissait en 1870 de respectivement de Charles-Louis Gressier, en poste depuis 1861, et Jules-Alexandre Duval Le Camus, en poste depuis la fin de 1868. Une des premières décisions du Gouvernement provisoire fut de démettre les édiles en place et de nommer à titre provisoire un maire issu de ses rangs, Étienne Arago, frère du célèbre astronome, assisté de 4 adjoints, Charles Floquet, Jean-Jules Clamageran, Henri Brisson et Émile Durier, tous quatre avocats. Dans la même logique la Commission municipale est dissoute.

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Etienne Arago

 

Le lendemain 5 septembre, ce sont les maires et maires-adjoints d'arrondissement qui sont remplacés par des personnes sûres. Dans le 6ème arrondissement, sont nommés Anne-Charles Hérisson, maire, et Jean-François-Eugène Robinet, adjoint au maire. Ces choix ne sont pas le fruit du hasard.

Né le 12 octobre 1831 à Surgy dans la Nièvre, Hérisson suit des études de droit et devient en 1858 avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. D'emblée il se situe dans l'opposition au régime impérial. Candidat dans la Haute-Saône aux élections législatives de mai 1869, il est sèchement battu par le candidat officiel, ce qui équivaut à un certificat de républicanisme qui va bientôt lui servir. Domicilié 34 rue Madame, il fera un bon maire pour l'arrondissement : le voilà nommé.

 

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Anne-Charles Hérisson, photo BnF. Jean-François-Eugène Robinet, photo Société historique du VIe

 

Robinet mérite tout autant son brevet de républicanisme. Né le 24 avril 1825 à Vic-sur-Seille dans le département de la Meurthe, il suit des études de médecine à Paris et s'établit comme médecin accoucheur dans le 6ème arrondissement. Proche des petites gens, il donne des consultations gratuites trois fois par semaine, ce qui lui vaut une certaine popularité. Politiquement il accueille favorablement l'avènement de la IInde République et s'affirme ensuite comme un adversaire résolu de Napoléon III. Au printemps 1869, il prend part à la campagne électorale pour les élections législatives en soutenant la candidature du républicain Jules Ferry qui est élu dans le 6ème arrondissement. Moins connu est son parcours philosophique. Peu après son arrivée à Paris il adhère au mouvement positiviste d'Auguste Comte, dont il devient le médecin personnel et qu'il assiste à ses derniers instants en 1857. Il acquiert si bien sa confiance que le philosophe en fait un de ses treize exécuteurs testamentaires. Il demeure alors 50 rue Saint-Placide.

 

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Auguste Comte, gravure Société historique du VIe

 

Ces deux personnalités ne savent pas encore qu'elles vont avoir à gérer l'une des crises les plus graves qu'ait connue la capitale depuis des siècles.

 

… et un opposant déterminé

Le nouveau personnel municipal subit d'emblée une forte pression de la part des mouvements socialistes qui rêvent d'une nouvelle Commune révolutionnaire. Dès le 5 septembre les membres français de l'A.I.T. (Association internationale des travailleurs) constituent un Comité central provisoire de sept membres, dont le célèbre relieur Eugène Varlin, établi 33 rue Dauphine, à l'angle de la rue Christine. Ironie de l'Histoire, c'est dans la cave de cette maison que verra le jour en 1946 le fameux club de danse et de jazz Le Tabou, cher à Juliette Gréco récemment disparue.

 

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Eugène Varlin. Doc. Public Domain of the USA

 

Dans la foulée sont créés des comités d'arrondissement baptisés Comités républicains de vigilance. Leurs membres sont désignés par acclamations. Varlin se retrouve à la tête de celui du 6ème arrondissement. Le 11 septembre, faisant taire pour un temps ses dissensions internes au profit de l'unité d'action face à l'ennemi prussien, le Comité central provisoire se constitue en Comité central républicain. Des motions sont adressées au Gouvernement provisoire, sur tous les sujets graves du moment (la police, les subsistances, la défense), le plus souvent sans succès. Nul doute que l'indifférence polie des autorités attisa les rancœurs qui conduiront quelques mois plus tard à la Commune insurrectionnelle de 1871, à laquelle Varlin prendra une part active et qui lui sera fatale.

Eugène Varlin est né en Seine-et-Marne, à Claye-Souilly, le 5 octobre 1839, dans une modeste famille de paysans vignerons aux convictions républicaines affirmées : à l'automne 1792, son arrière-grand-père Jean-Adrien Varlin avait pris la tête de la première municipalité républicaine de la petite commune. À treize ans, il entre en apprentissage chez son oncle maternel Hippolyte Duru, relieur dans le 1er arrondissement. Il poursuit sa formation dans différents ateliers, notamment dans le 6ème arrondissement autour de Saint-Sulpice, jusqu'à s'y établir à son compte en 1862.

Très tôt il fréquente les milieux ouvriers de la capitale. En 1857 il participe à la fondation d'une société de secours mutuels appelée la Société civile des relieurs, regroupant patrons et ouvriers et qui se réunissait chez un marchand de vins rue de l'École-de-Médecine. En août 1864 il s'investit dans une grève des ouvriers relieurs organisée après le vote le 25 mai d'une loi autorisant les grèves sous certaines conditions. C'est un succès.

Dans les années qui suivent il fonde plusieurs associations d'aide à la classe ouvrière, dont l'une retient plus particulièrement notre attention : La Marmite. Il s'agit d'une « société coopérative d'alimentation » dont les statuts sont adoptés au cours d'une assemblée générale constitutive tenue le 19 janvier 1868 dans l'amphithéâtre de l'École de médecine. La Marmite s'installe provisoirement 34 rue Mazarine, avant de migrer au 8 rue Larrey, petite rue absorbée par le boulevard Saint-Germain à l'emplacement du carrefour de l'Odéon. L'institution y occupe un appartement de quatre pièces au 2ème étage du bâtiment situé au fond de la cour. Ce n'est pas une association caritative au sens actuel du terme. Pour y accéder, on s'acquitte d'une cotisation, et on paie ce qu'on mange. On y trouve aussi une variété de journaux et de revues rendus ainsi plus accessibles à des ouvriers qui ne peuvent supporter le coût de plusieurs abonnements annuels. C'est enfin un lieu de rencontres entre militants.

 

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Rue Larrey ou rue du Paon, démolie lors du percement du boulevard Saint-Germain,doc. Vergue.com. Au premier plan, la rue du l’École de médecine, au fond, la rue du Jardinet, le 8 est sur la gauche de l’image. Photographie de Charles Marville, c. 1866 prise vers l’est. Plan de topographie historique Sh6.

 

En dépit des tentatives de libéralisation du régime les mouvements politiques liés à l'Internationale socialiste restent sous haute surveillance. L'engagement de Varlin en qualité de président de la commission administrative de la Société des ouvrières et ouvriers relieurs affiliée à cette Internationale lui vaut d'être, avec d'autres, poursuivi et condamné le 24 juin 1868 à trois mois de prison, peine qu'il purge à Sainte-Pélagie.

Son intense activité de propagande pour l'implantation de l'Internationale en province tout au long de l'année 1869 lui vaut une nouvelle mais brève incarcération de deux semaines en février 1870, qui n'altère en rien sa détermination. Les arrestations se multiplient. Varlin s'échappe à temps et se réfugie en Belgique, ce qui ne l'empêche pas d'être condamné par contumace à un an de prison et de privation de ses droits civiques et cent francs d'amende. Il rentre en France dès la proclamation de la République.

Nous le retrouverons à plusieurs reprises dans la suite de cette chronique.

 

(À suivre)

Jean-Pierre Duquesne

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