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SOCIETE HISTORIQUE DU VIe ARRONDISSEMENT

1870 Le siège de Paris, chronique locale d'un drame national - 1 - De l'Empire à la République

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1870

1 De l'Empire à la République

 

Prologue

Le 19 juillet 1870 la France déclare la guerre à un royaume de Prusse qui, depuis sa victoire écrasante sur l'empire d'Autriche en 1866 à Sadowa, n'attendait que cela pour asseoir sa suprématie sur l'Europe continentale et multipliait les provocations dont la dernière en date était la candidature d'un prince de la famille royale de Prusse au trône d'Espagne. On se rappelle le tragique enchaînement des faits : la protestation de la France, le retrait par la Prusse de la candidature, la demande par la France d'une confirmation écrite du retrait, le refus du roi de Prusse d'accéder à cette demande, la fameuse dépêche envoyée par lui, depuis la station thermale d'Ems où « il prenait les eaux », à son chancelier Bismarck pour l'en informer, la diffusion par ce dernier de la dépêche qu'il présente, par le biais d'une traduction inexacte, d'une manière insultante pour la France, l'échauffement de l'opinion publique française. À Paris, les 13 et 14 juillet au soir, une foule immense envahit les Grands boulevards en criant « À bas Bismarck ! » et « Au Rhin : Au Rhin ! ».

 

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Manifestation en faveur de la guerre sur le boulevard Montmartre

 

Affaibli par la maladie, Napoléon III cède à Emile Olivier et au Corps législatif, aux chefs militaires qui rêvent d'en découdre. Le drame est que, contrairement à ce qu'ils pensent ou affirment, l'armée française souffre d'une importante infériorité numérique, les royaumes et principautés satellites de la Prusse (la Saxe, la Bavière, le duché de Bade, la Hesse, etc.) ayant apporté leur renfort à cette dernière. La suite est connue : l'enchaînement des défaites, le maréchal Bazaine assiégé à Metz

le 20 août, et pour finir la capitulation de Napoléon III à Sedan le 2 septembre, en dépit d'actes de bravoure célébrés à l'envi par l'imagerie populaire, telle la charge des cuirassiers du général Michel à Reichshoffen, le 6 août.

 

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Charge du 8ème et du 9ème cuirassiers, à la bataille de Reischoffen

 

Du Palais Bourbon à l'Hôtel-de-Ville …

Cette déroute met le feu au Palais-Bourbon qui le 4 septembre est envahi par la foule. Dans une ambiance survoltée, on demande la déchéance de l'empereur, l'instauration de la République et la formation d'un gouvernement provisoire. Ne contrôlant plus les débats, le président du Corps législatif, Eugène Schneider, lève la séance. Les députés républicains modérés, emmenés par Léon Gambetta, Jules Ferry et Jules Favre, se précipitent à l'Hôtel-de-Ville, haut lieu des révolutions parisiennes. Ils réussissent à s'en rendre maîtres avant que les représentants des mouvements révolutionnaires, blanquistes ou proudhoniens, s'en emparent pour mettre en place une Commune insurrectionnelle.

 

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Journée du 4 septembre : Les gardes nationaux et le peuple pénètrent dans le corps législatif.
Proclamation de la république sur la place de l’Hôtel de ville.

 

C'est là qu'ils vont prendre symboliquement les décisions inéluctables au vu des circonstances, déchéance de l'empereur, instauration de la République et formation d'un gouvernement provisoire dit « de la Défense nationale ». Ils donnent des gages à la gauche en faisant libérer le journaliste Henri Rochefort de la prison de Sainte-Pélagie où il était détenu depuis le début de l'année, et à la droite en convaincant le général Louis-Jules Trochu, gouverneur militaire de Paris depuis le 17 août, de « faire le Lamartine », c'est-à-dire d'accepter la présidence du gouvernement provisoire. Rappelons que Lamartine, le 24 février 1848, à la chute de Louis-Philippe, avait, selon le même processus, été porté à la tête d'un gouvernement provisoire et, au même endroit, avait proclamé la République.

 

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Le général Louis-Jules Trochu Eugène Rouher

 

Fait assez rare pour être relevé, la nouvelle révolution s'est faite sans verser une goutte de sang. Et c'est pacifiquement qu'une nouvelle municipalité va s'installer.

 

… puis au palais du Luxembourg ...

Pendant ce temps, rue de Vaugirard, au palais du Luxembourg, le Sénat siège également, mais dans une toute autre atmosphère : ses membres ont tous été choisis par Napoléon III et l'inquiétude domine. Leur président, Eugène Rouher, conscient de n'avoir plus prise sur les événements, les invite à rentrer chez eux. Ils ne se font pas prier. Lui-même organise son déménagement de sa résidence du Petit-Luxembourg et court se mettre à l'abri dans son château de Cerçay, non loin de Grosbois. C'est la fin de sa carrière politique.En cette soirée du 4 septembre le palais du Luxembourg est déserté par ses sénateurs, mais non abandonné. Y demeurent notamment, ès qualité, le grand référendaire, Ferdinand Barrot, et le commandant militaire du palais, le général vicomte Philogène de Montfort, chargé de la protection des bâtiments. Dans la cour restent en faction deux escadrons de gendarmerie à cheval, les hommes somnolant auprès de leurs chevaux, leurs officiers dans l'attente des ordres. Ils vont avoir de la visite.

 

Adolphe Yvon (1817-1893). "Ferdinand Barrot (1806-1883), sénateur, ministre de l'Intérieur, 1867". Huile sur toile. Paris, musée Carnavalet.
Ferdinand Barrot, peinture de Yvon, Parismuséescollections

 

Ce sont d'abord Charles Floquet, adjoint au maire de Paris, et le colonel Louis-Ernest Valentin, chef de la Garde républicaine, représentant tous deux la nouvelle municipalité (nous y reviendrons dans le prochain numéro) quiviennent signifier la décision du gouvernement provisoire d'interdire au Sénat de siéger. Barrot proteste pour la forme, obtient la permission d'y passer encore la nuit. Il arrache aussi la permission, pour les sénateurs qui le souhaiteraient, d'entrer récupérer leurs affaires personnelles. Pour la bonne règle le général de Montfort transcrit l'ordre du gouvernement sur son registre de service. Le lendemain, comme convenu, le grand référendaire quitte le palais.

 

Portrait de Charles Floquet (1828-1896), avocat, homme politique. Photographie de Thiébault. Carte de visite (recto). Tirage sur papier albuminé. Avant 1896-1896. Paris, musée Carnavalet.
Charles Floquet, Parismuséescollections

 

 

… vidé de ses sénateurs, mais pas seulement ...

 

Il semble toutefois qu'il ait mis à profit la nuit pour exfiltrer quelques documents jugés sensibles. Trois jours plus tard en effet la garde nationale, intriguée par le nombre, intercepte à Dieppe cinq malles en partance pour l'Angleterre et en réfère aux autorités. Les malles sont acheminées à Paris. On les ouvre et on y trouve des pièces et correspondances diplomatiques que, de toute évidence, on a cherché à soustraire à la curiosité du nouveau régime. Mais n'en reste-t-il pas d'autres ? Pour en avoir le cœur net, le gouvernement provisoire envoie au palais Eugène Pelletan, ministre sans portefeuille, accompagné d'Émile Durier, secrétaire du gouvernement, avec mission d'inventorier les papiers qui s'y trouvent et d'y mettre les scellés. De son côté, pour les recevoir, le général de Montfort s'est fait assister de l'architecte du palais, Simon-Claude Constant-Dufeux, qui connaît mieux les lieux. Il les connaît si bien qu'il conduit les visiteurs à ce qu'il nomme « l'armoire de fer », dissimulée derrière une boiserie dans une petite pièce attenante au cabinet du président. Une armoire de fer ? L'histoire se répéterait-elle ? En fait d'armoire, il s'agit plutôt d'un banal coffre-fort. La clé reste introuvable, probablement en la possession de Rouher. Un serrurier appelé à l'aide ne vient pas à bout de la serrure. En désespoir de cause, on descelle à grand peine le coffre, qu'on brise à la hache : il est vide. Rouher n'était pas parti les mains vides.

 

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Eugène Pelletan Simon-Claude Constant-Dufeux. Parismuséescollections

 

Déserté par ses sénateurs, il faudra attendre 1879 et le retour des deux assemblées de Versailles à Paris pour que le palais du Luxembourg retrouve sa vocation parlementaire. Dans l'intervalle les circonstances vont lui trouver de nouvelles affectations.

 

(À suivre)

Jean-Pierre Duquesne

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